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En gare de Grenoble, il a fallu que la cheffe de train pète un câble pour que la nuée de VTTistes acceptent de ranger leurs engins correctement. Enfin le petit TER s'est ébranlé, et me laisse une heure et demi plus tard à la gare de Clelles-Mens.
Étrange de penser qu'il me faudra cinq jours pleins pour retrouver la gare de Grenoble. La météo prévoit quatre jours de beau temps (profitons-en !) avec un fort risque d'averses orageuses pour le cinquième. On n'en est pas là.
Le chemin vers Chichilianne, d'où j'accéderai aux plateaux, évite la D7 par un détour dans les champs puis longe le ruisseau de Darne. Il rejoint la Départementale vers la scierie Falquet.
Pour cause de pont en réfection, la route est fermée aux voitures : à moi tout seul la chaussée ! A ma droite, le Mont Aiguille.
Fin mai c'est la meilleure période pour observer la flore montagnarde en plein boom. Détail de cette belle orchidée sauvage au nom suggestif : une Orchis militaire.
Je traverse le hameau des Oches, fais le plein d'eau à la fontaine.
Pause déjeuner à l'ombre. Et me voilà face aux falaises.
C'est chouette de marcher sous le soleil, après un semestre professionnel incroyablement dense. Pas du tout attentif, je suis bêtement un balisage jaune. Fidèle à ma devise... C'est déjà à 1200 m d'altitude que je me rends compte que j'ai pris la direction du Bissard, à l'ouest, au lieu de descendre au nord.
Je coupe tant bien que mal à travers bois, dégringole de bons deux cents mètres avant d'arriver à la digue du ruisseau des Arches. Là encore, je suis trop haut, il faut descendre pour trouver le gué.
Enfin ! C'est la montée vers le Pas de l'Essaure.
Montée besogneuse ; pas assez d'entraînement, le sac plein (dont 3 litres d'eau), je paie l'enthousiasme des premières heures et le dénivelé de mes errances inutiles. Je paie aussi la nuit dans le bus, hachée par les arrêts successifs.
Il y a de la neige sur les massifs de l'est, sur lesquels je suis bien en peine de mettre un nom. Dans le Vercors, il restera peut-être quelques névés au-delà de 2200 m, si j'ai le courage de monter vers les sommets.
Encore le Mont Aiguille, sommet historique de l'alpinisme pour sa première ascension en 1492 (la découverte de l'Amérique !) par Antoine de Ville, capitaine du roi et premier Conquérant de l'Inutile. Je soupçonne qu'il s'agissait d'un gage. Action ou vérité ! Qu'avait-il bien pu faire pour se voir infliger ce pensum par le roi Charles VIII ?
Après beaucoup d'arrêts, ouf, me voilà sur les plateaux, au Pas de l'Essaure. Il y a un gros troupeau juste au-dessus. Des chèvres ?
Eh bè non. C'est la plus belle harde de bouquetins mâles qu'il me soit arrivé de croiser en France.
C'est toujours étonnant de constater la faible distance de fuite de ces animaux sauvages.
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La chasse à l'eau... J'ai repéré sur Géoportail une potentielle source au pied de la Montagnette. J'ai encore des réserves, mais je me lance quand même à sa recherche. Elle doit être là, quelque part dans la pente.
Ben j'ai rien trouvé, encore un peu d'énergie gaspillée... Et toujours ces arrêts botaniques, prétextes pour souffler un peu. L'Orchis sureau rouge :
Et ma petite préférée, l'Orchis sureau jaune.
En contre-bas, il y a la cabane de l'Essaure et, à l'arrière-plan, toujours ces montagnes pré-alpines enneigées.
C'est chouette, c'est exactement le genre de paysage auquel je voulais me confronter.
Je traverse les Hauts Plateaux plein ouest, en quasi hors piste. Passage au Pas de la Coche.
Il se fait tard, le soleil est bas. L'ambiance est fabuleuse, malgré le sac qui me cisaille les épaules.
Quelle sauvagerie. Il ne m'a fallu que quelques heures pour m'extirper totalement de la civilisation.
Le martien à longues jambes, digne de H.G. Wells !
J'ai coupé droit, vers une zone que la carte IGN appelle "L’Échelle". L'est du plateau était à la cote 1800. Maintenant ça redescend lentement vers les 1700, et ça suffit pour que réapparaissent les conifères, entre deux champs de lapiaz.
J'en ai assez fait pour aujourd’hui... Je plante la tente à proximité des ruines d'une ancienne bergerie, la Jasse de l’Échelle.
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Nuit tranquille, sur un bon tapis de mousses. Y a plus qu'à reprendre la route.
Les ruines de la Jasse de l'Echelle...
Je prends d'abord à l'ouest, dans l'idée de rejoindre le GR.
Et puis marre de descendre, je bifurque au nord, en suivant vaguement une série de cairns, que je perds rapidement.
Je ne sais pas vraiment où je suis, et c'est tout surpris qu'à la traversée de la Plaine de la Gache je tombe sur une bergerie, que j'identifie comme étant le Jas Neuf. A droite le Mont Aiguille ; à gauche, premières visions du Grand Veymont, possible ascension pour ce soir.
Le terrain devient un peu trop accidenté à mon goût. Et il faut se faufiler à travers les buissons. Aussi bien, je gagnerai du temps, et gaspillerai moins d'énergie à rejoindre le GR, alors je prends le vieux chemin cairné vers le col du Pison.
Me voilà sur le GR 91, fini la solitude. Je laisse à ma droite la Tête du Pison et me rapproche de la vallée de Romeyer.
Au sud, les Rochers de Plautret et la vallée vers Die.
Petite descente pour rejoindre la Fontaine des Endettés. Apparition d'un âne bâté à un tournant. Seul !
Une dame essoufflée apparait vingt mètres derrière l'âne. Suivie à son tour d'une petite fille.
"Attrapez la longe, attrapez la longe !" me crie la dame. Ah d'accord, j'ai compris. L'âne aussi. Je vois dans son œil qu’il hésite, cherche une solution. Il s'arrête une seconde, décide de faire semblant de rien : il n'y a pas d'échappatoire hors du sentier. Il repart vers moi, l'air dégagé. L'âne fait l'âne... C'est sa seule chance.
Eh, je sais bien faire l'âne, moi aussi. Tout aussi désinvolte, j'avance vers lui, tranquillou, indifférent, passe à sa droite. On s'ignore tous les deux superbement. La dame affolée : "Mais, attrapez la longe, attrapez la longe !"
D'un geste vif, je croche le licol. Et voilà, c'était ma B.A. de la journée.
La Fontaine des Endettés est presque au goutte à goutte. Quand j'y arrive, il faut quasiment faire la queue. Faut dire qu'il n'y a pas tellement d’alternative pour faire de l'eau dans le coin.
Cinq, six randonneurs attendent leur tour pour remplir leurs gourdes et leurs poches à eau. Alors, comme il est presque midi, je me pose et prépare mon déjeuner. Le temps que le lyo se réhydrate, la fontaine est à moi.
Pourquoi "Fontaine des Endettés" ? Apparemment, ceux qui avaient des sous allaient se payer une bière à la Cabane de Pré Peyret, juste au-dessus. Je contourne celle-ci, et lache le GR pour remonter la Plaine de la Queyrie.
Gentianes !
Parole, la Plaine de la Queyrie est un des plus chouettes coins de France. Mais attends, on y arrive !
La voilà !
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