• 38° sud (Fusiller le soleil)

    Teignmouth Electron

    1er juillet. Quelque part entre Ste-Hélène et les Malouines. Beau temps. Brise très légère.


    Depuis ma banette, reclus, j’écoute les petits coups martelés sur la coque par le clapot saccadé, les écoutes qui bavardent, les claquements du foc.

    Le temps prend ses aises, je fais de même. J’ai la peau comme ridée, racornie, un cuir usé, incrusté de sel gemme. Je m’y sens relégué, comme banni.
    ……………………

    Mes derniers compagnons sont ces poissons volants que je retrouve, desséchés, aux plis de la grand-voile, à la façon d’un Neptune me jetant ses déchets … Parfois je sors un moment sur le pont ; il est là, il me parle dans sa barbe et puis me menace de son harpon, promet de balancer mon corps aux crabes…

    Il semble bien que je sois étranger à ce monde, sur cette mer gluante, étranger sur l’océan, étranger aussi sur terre, à la foule effrayante.

    Je crois qu’il est temps de tirer un trait, mais je sais que je ne rentrerai pas…

    Je suis perdu. Que faire…

    Il me faudrait fusiller le soleil. Je ne veux pas.


    Le bateau fut retrouvé vide, le 10 juillet.

    Une histoire vraie... Je vous enjoins à lire la page Wikipédia du malheureux Donald Crowhurst. A lire aussi, la réjouissante adaptation par Jonathan Coe : "La vie très privée de Mr Sim", où Coe transforme notre marin solitaire en commercial effectuant un tour d'Angleterre pour vendre du dentifrice... Et d'Isabelle Autissier : "Seule la mer s'en souviendra", dont j'ai tenté de retraduire l'ambiance. Merci Isabelle !


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