C'est la première fois que je sors mon paddle du Morbihan. Vilaine, Blavet, golfe et ria d'Etel sont loin. J'en rêvais : le cimetière de bateaux de guerre de Landévennec, dans les boucles de l'Aulne.

J'ai déposé le vélo en amont, avant de rejoindre le port de Landévennec où je me mets à l'eau pile à l'heure de marée haute à Brest.

Un peu tard... Un pécheur, sur la cale, m'explique que la bascule a déjà eu lieu. Zut, j'avais supposé que l'onde de marée mettait quelques minutes à monter au bout de la rade et sur l'Aulne. C'est pas une science exacte... J'aurais dû partir il y a une demi-heure, voire une heure. Sauf que ç'aurait été trop tôt : il n'est que 8h40, le ciel est grisâtre, les photos vont être floues... D'un autre côté, pas un poil de vent.

Je traverse le Pal, une sorte de mini sillon de Talbert local, en raclant un peu l'aileron. Le courant est effectivement contre moi, mais très faible. J'en bave quand même un peu pour dépasser la pointe de Pen Forn, mais c'est plutôt à cause du lever très matinal.

Derrière Pen Forn, c'est déjà la boucle de Térénez et les premières vues du cimetière de Landévennec.

Le long de la rive gauche (à droite, donc), il n'y a plus du tout de courant. Très excité je remonte vers le premier ensemble de bateaux.

A Landévennec, il y a des bateaux de la Navale depuis 1840. Napoléon III et Eugénie ont visité la station en 1858. Pas en paddle, probablement. Trois heu, torpilleurs, vedettes, escorteurs, koikaisse, attachés côte à côte. Je m'imagine passer au milieu mais ça paraît quand même un peu étroit...

J'ai essayé d'identifier les bateaux du cimetière de Landévennec sur Internet mais pff, il y a constamment des arrivées et des départs, toutes les coques se ressemblent à mon œil béotien... Bref, pas facile. Je crois identifier là trois patrouilleurs de type P400 (si ça parle à quelqu'un...) : la Gracieuse, la Capricieuse... C'est quand même amusant de rechercher l'histoire de ces coques. La Capricieuse, par exemple, patrouillait dans la zone d'exclusion maritime en Guyane pendant les lancements des fusées Ariane. Lancement en 1984, désarmée en 2017.

Tous ces bateaux ne vont pas rester là : le cimetière de Landévennec est en fait un site de stockage provisoire de la Marine Nationale. Les coques partent ensuite une à une en démantèlement.

Un deuxième lot de bateaux. Toujours pas de courant, génial, je fais littéralement, absolument littéralement, des ronds dans l'eau, à la recherche des meilleurs cadrages, tout en essayant d'éviter de troubler le miroir ou attendant que les rides que je génère s'estompent.

Ce seraient des chasseurs de mines : l'Eridan, le Persée, le Verseau. Construits entre 1981 et 1989, désarmés entre 2009 et 2018.

C'est un vrai bonheur de photographe, des lignes, des courbes, des volumes... Manque le soleil, bien sûr, mais avec lui il y aurait probablement eu du vent, d'autres kayaks ou paddles, et donc pas d'effet miroir. Ça continue vers l'ouest. Celui-là, j'arrive facilement à l'identifier sur le net : le patrouilleur Albatros.

Amusant : l'Albatros a commencé sa carrière en 1966 comme chalutier congélateur. En 1983 il rejoint la Marine Nationale comme patrouilleur austral. Il a connu les TAAF. Son successeur, c'est le fameux Astrolabe ! Désarmé en 2016.

En route vers le dernier bateau, le plus grand. La frégate Primauguet.

Le Primauguet est le petit dernier du cimetière de Landévennec : lancé en 1984, désarmé en 2019.

Primauguet est le nom d'un fameux corsaire du roi. On parle de Louis XII, là... Primauguet (Portzmoguer, en bon breton) livre son dernier combat à la bataille de Saint Mathieu, à l'entrée de la rade de Brest, pas loin d'ici, donc. Il fait sauter son bateau dans l'espoir de mettre le feu également au bâtiment anglais, tous périssent, 1500 victimes...

L'ambiance, c'est aussi la bande son. Les mouettes ont investi les coques. Elles sont très mécontentes de mon intrusion. Ça crie, ça piaille, ça me fonce dessus : d'ici à ce qu'elles me bombardent de guano !

J'ai dépassé le cimetière de Landévennec. Reste à remonter l'Aulne tant que l'énergie est là. Je déborde l'île de Térénez.

Presqu'île, plutôt. Il doit falloir un gros coefficient de marée pour que ça submerge l'isthme. Je coupe tout droit, dans l'idée de me rapprocher du pont de Térénez.

Un joli pont à haubans, qui a la particularité d'être courbe. Inauguré en 2011, il a gagné le World Infrastructure Award en 2013. Passage au-dessus de l'Aulne spectaculaire quand on vient sur la presqu'île de Crozon. Bon, il y a trop de courant maintenant. J'abandonne l'idée de remonter jusqu'au pont et bifurque vers l'anse du Folgoat.

Encore un rond dans l'eau pour une nouvelle photo du pont de Térénez.

Un petit tour au fond de l'anse, jusqu'au moulin du Folgoat.

Et je reviens sur la cale du Folgoat où j'accoste.

Dégonflage de la planche, elle retourne dans le sac à dos - 11 kg. Je récupère le vélo. Y a plus qu'à. Avec une belle côte... Point haut 109 mètres. Et redescente sur le port de Landévennec.

Une autre sortie en SUP ? C'est là !