• (Accès à la 1ère partie de l'article)

    Du Langisjór via Utfall, le torrent se déverse dans un lac inférieur, que je baptise Nakinn-Ferðamaðavatn (et non, je n'assure pas les traductions).

    J6 - Skaftá

    Le Nakinn-Ferðamaðavatn, encore, avec un morceau du Vatnajökull au fond.

    J6 - Skaftá

    Pour cette partie de la traversée des Fögrufjöll, j'ai envie d'aller voir du côté de la rivière Skaftá. Ça tombe bien, c'est le chemin que j'ai recopié sur mon plan à partir de la carte Atlaskort de Christophe. Autant te le dire tout de suite : mauvaise pioche... Mais pas au début, le paysage est superbe : le mont Háskanef avec à gauche la confluence de la Skaftá et de Grasver.

    J6 - Skaftá

    Toujours le Vatnajökull en arrière-plan.

    J6 - Skaftá

    Dans cette large plaine entre les Fögrufjöll et le Laki, la Skaftá s'étend en larges marais de glaise.

    J6 - Skaftá

    J6 - Skaftá

    Et toujours, encore, le Vatnajökull. (Tu m'étonnes qu'il pleuve souvent, dans ce coin, avec une pareille masse glaciaire pour retenir les nuages.)

    J6 - Skaftá

    Ah, ça faisait longtemps : un troll pour ma collec'.

    J6 - Skaftá

    Un chti ruisseau pour faire de l'eau. Parce qu'il ne faut pas compter sur la Skaftá, rivière de lait...

    J6 - Skaftá

    A ce moment, alors que j'approche du Háskanef, je suis toujours sur le chemin qu'indique l'Atlaskort, à suivre les berges de la Skaftá. Alors, soyons clair : ne passe pas par là. A aucun prix. Peut-être faut-il passer par le sommet du Háskanef. Peut-être faut-il rejoindre les berges du Langisjór (Bigfoot était allé poser la tente au Fagrifjördur). Mais ne reste pas sur la Skaftá.

    J6 - Skaftá

    Pourquoi se méfier ? Je suis la carte, y a des traces. Des traces de m... oui ; m comme moutons. La pente se creuse. La piste est 2 mètres au-dessus de la Skaftá, direct. Et je te garantis que, là, y a du jus. Tu tombes, tu prends l'express pour la hutte de Sveinstindur. Leçon gratuite de rafting subpolaire. 30 cm de largeur, la trace, parfois 20 cm. La largeur du pied. Tu poses le pied, tu déplaces tes bâtons, un par un, tu transfères ton poids, tu recommences. T'es content qu'il ne pleuve pas. T'es content qu'il n'y ait pas de vent.

    Et c'est comme ça pendant, quoi, 20-25 minutes.

    Ça y est, le flanc du Háskanef est passé. reste encore une colline et après, d'après l'Atlaskort, je pourrai remonter dans les Fögrufjöll. Bon, vu de loin, ça a l'air moins raide que les bords du Háskanef. Y a juste qu'au bout, on dirait qu'il y a eu un éboulement ; sais pas, faut voir.

    J'avance. Toujours des chemins de mouton. Un peu moins de pente. 2-3 mètres difficiles. L'éboulement en vue. A priori on peut crapahuter au-dessus. Plus qu'un pas.

    Que je ne ferai pas.

    Je la vois, cette marque, là où ce foutu mouton a posé ses foutus 2 doigts d'artiodactyle. C'est pas de la terre. C'est du dur. C'est incliné. Jamais ça supportera mon poids - et mes 18 kg de sac.

    Bon.

    Demi-tour.

    Nan.

    Impossible. J'ai le pied gauche en avant. Largeur < 20 cm. A droite, la pente herbeuse. A gauche, une petite crique, 2 mètres sous moi. Rotation exclue.

    J'ai déjà vécu, en pratiquant l'escalade, ce moment où tu prends conscience qu'il n'y a pas de solution. Alors tu deviens philosophe - ou pas. A un moment tu tentes quelque chose et tu tombes. Ou tu attends, tu tétanises et tu tombes. T'as confiance en la corde, en ton partenaire de cordée. C'est un moment fort.

    Y a pas de corde, y a pas de compagnon de cordée.

    N'attends pas de gamberger, n'attends pas le moment où l'adrénaline va te submerger, où tu vas tenter ce pas de la mort. Décide maintenant.

    Coup d’œil par dessous mon bras droit. Trace de ma semelle derrière moi. Pas trop loin. Y revenir du pied gauche, compliqué : exercice d'équilibriste très aléatoire. Me fendre un peu et y poser le pied droit. Possible. Je recule les bâtons, les plante bien profond, m'y arc-boute. Je soulève le pied droit, le pose bien à plat pile sur la trace. Soulève le pied gauche, le recule à son tour.

    C'est gagné. Là, je suis en position pour un demi-tour assez sûr.

    Bon, je résume la suite : retour en arrière sur une centaine de mètres. Je monte plus haut dans la pente. C'est fatigant, pas drôle, faut monter, descendre, zigzaguer entre les plaques de palagonite, faire confiance à ce foutu mouton (encore lui !) : faut bien reconnaître qu'en général, il choisit toujours l'itinéraire le moins fatigant. Ça passe sans trop de danger. (Mais je ne le ferai pas sous la pluie...)

    J6 - Skaftá

    J'arrive sous le col où remonter dans les Fögrufjöll. Vu l'heure, pas la peine de continuer. Pis je suis HS. Pas de stress cette année, j'avais dit à mes amis : des itinéraires faciles, pas d'explo.

    J'installe ma tente sur des mousses, dans une dépression au milieu du col, avec vue sur la Skaftá et le Vatnajökull. (Regarde bien : where's Wally ?)

    J6 - Skaftá

    Repas du soir, pour une fois tranquille, sans pluie.

    Je commence à avoir la haine des plats lyophilisés. Quoiqu'en général bons (mention spéciale au poulet korma), on aimerait qu'ils contiennent quelques plus gros morceaux, qu'on ait besoin de mâcher, de saliver...

    La gastronomie, sujet obsessionnel des récits de voyage. Lévi-Strauss n'y coupe pas. Quel exotisme ! Perroquet rôti flambé au whisky ; ragoût de mutum (dindon sauvage) aux bourgeons de palmiers, sauce tocari ; oiseau-chien (jacu) rôti au caramel. Parfois ça dégénère : bolo podre (littéralement gâteau pourri) accompagné de cha de burro (tisane d'âne)...

    Mes préférés : brochettes de colibris (en portugais, beija-flor, baise-fleur) ; boba de moça : fromage blanc arrosé de miel - salive de demoiselle. Serait-il déjà temps de retrouver la civilisation ? - Vu personne aujourd'hui...

    J6 - Skaftá

    14 km.

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  • Étrangement, cette journée au milieu des Fögrufjöll ne m'a pas tellement marquée. Trop tranquille ? Rien de spécialement aventureux, pas de déboire.

    Trop beau ? Être au milieu de la beauté  et pas en quête de la beauté, c'est moins excitant peut-être. Réflexion pas très originale, mais... vraie !

    A propos de beau... Justement, ce n'est toujours pas le grand bleu, mais le temps est plutôt agréable. Le vent est passé au nord, la température a un peu chuté, mais ça reste très supportable : ce qu'il faut pour ne pas être trop importuné par les moucherons.

    Quant au chemin, il n'y a pas à se tromper. Contournement des lacs, un par un, avec balisage de temps en temps, juste quand il faut.

    J7 - Fögrufjöll

    Le premier lac, en descendant du col où j'ai bivouaqué : j'en fais le tour par l'ouest.

    J7 - Fögrufjöll

    Du coup je rejoins le bord du Langisjór, pour une (dernière ?) photo du Vatnajökull.

    J7 - Fögrufjöll

    Et puis une dernière dernière ?

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

    Retour au milieu des Fögrufjöll. Le temps était un peu menaçant, vu mon équipement sur la photo ci-dessous. Je ne m'en souvenais pas.

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

    Non, vraiment, je ne sais pas trop quel commentaire ajouter : les Fögrufjöll sont belles, j'en prends plein les yeux, j'avance.

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

     (Suite de l'article)

     


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  • (Accès à la 1ère partie de l'article)

    J7 - Fögrufjöll (suite)

    Ah si. Là, je me rappelle m'être fait la réflexion : "Y a plus du tout de moucherons, y a pas de vent, c'est le moment de s'arrêter déjeuner". Ben, je te l'avais dis plus haut, "détails insipides, évènements insignifiants"...

    J7 - Fögrufjöll

    J7 - Fögrufjöll

    Le vert islandais...

    J7 - Fögrufjöll (suite)

    A vrai dire, il est impossible aux capteurs CCD de nos appareils photo, comme aux pixels de nos écrans, de retranscrire l'effet luminescent, "fluorescent", des mousses islandaises. Des couleurs pas dans le manuel...

    A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
    Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
    A, noir corset velu des mouches éclatantes
    Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

    Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
    Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
    I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
    Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

    U, cycles, vibrements divins des mers virides,
    Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
    Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

    O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
    Silences traversés des Mondes et des Anges :
    - O l'Oméga, rayon violet de Tes Yeux !

    Personnellement, je me retrouve exactement ces correspondances rimbaldiennes (sauf le A, que je vois plutôt jaune), qui pourtant n'ont rien d'universel (fais l'expérience, teste-toi). Et puis parmi toutes les couleurs, le rapport au vert semble particulièrement varier d'un individu à un autre. Je décris souvent comme verts des habits que leurs propriétaires voient bleus... Il n'y a, paraît-il, pas de mot spécifique pour dire vert en japonais - ni en breton.

    Sans parler des aspects culturels. Ainsi, Lévi-Strauss note que chez les Indiens Bororo, le bleu et le vert, couleurs froides de la forêt, sont assimilés au noir. Quant au jaune et au rouge, ils forment une seule catégorie linguistique, car obtenus, pour en faire des teintures, à partir d'une même graine (l'urucu), qui oscille entre le vermillon et le jaune orangé en fonction de son degré de maturité.

    Comment les Bororo verraient-ils le vert à luminescence jaune flashy des mousses islandaises ?

    J7 - Fögrufjöll

    Comme tu vois, l'esprit est disponible, pas de prise de tête ! Je me remémore l'autobiographie d'Hélène Grimaud, évoquant sa fascinante synesthésie. Voir la musique en couleur ! J'imagine le concerto de Grieg en grandes fresques taïga.

    Je continue de lac en lac.

    J7 - Fögrufjöll

    Et - j'ai failli écrire "pour finir" -, revoilà le Fagralón, le "Beau Lac"... Avec le Sveinstindur dans l'axe.

    J7 - Fögrufjöll

    Une dernière vision du Langisjór : vers le nord.

    J7 - Fögrufjöll

    Une autre du Langisjór et du Sveinstindur : vers le sud.

    J7 - Fögrufjöll

    Je passe à proximité de mon ancien bivouac sous la tempête. Les seules traces qu'il en reste sont mes tas de cailloux. Plutôt que de contourner le Fagralón vers l'est comme je l'avais fait ce jour-là, je repère les balises qui montent (très raide) droit dans l'axe du lac.

    J7 - Fögrufjöll

    Il est dit que je ne connaîtrai ce passage que sous la pluie. Du coup, on arrête les photos. C'est reparti... mais avec vent du nord - soit vent arrière, et pas trop fort : c'est moins éprouvant !

    Alors que j'approche de la hutte de Sveinstindur, j'aperçois dans la dernière pente quelques points multicolores. Des gens ! Stop chrono. 52 heures de totale solitude.

    Bon, si je compte bien, il y a là 11 personnes qui me précèdent, en tenue de pluie, et qui manifestement ont le même objectif que moi : aller se sécher au refuge. Je fonce...

    Et à force de mettre le turbo, les double un par an. Prem's au refuge !

    J7 - Fögrufjöll

    Ben à vrai dire, y a du monde, déjà. Un couple de Français, dans un coin ; un groupe de quatre Finlandais, aussi. Ils m'expliquent qu'ils se sont juste arrêter pour laisser passer la pluie. Ils viennent de traverser la Skaftá en tyrolienne (1 heure chacun...). Nb : strictement déconseillé !

    Y a aussi un tas de bagages qui attendent la troupe que je viens de doubler. Quand ils arrivent, j'ai déjà étalé mes affaires mouillées et ré-investis l'étage du châlit.

    Connais-tu le Wine in Tube ? Ça fait frémir, hein ? C'est la fête, au refuge, avec le groupe d'Islandais. Humm, la plâtrée de nouilles à la Sicilienne, accompagné de quelques verres de rosé tarragonais. Elle est remisée loin derrière moi, ma solitude des trois derniers jours...

    J7 - Fögrufjöll

    15 km.

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