• (Jour précédent)

    La météo à la hutte des wardens : « windy, cloudy, with some rainshowers every now and then ». Brrr… J’avais besoin d’un boost pour me lancer, ben c’est raté. J’accuse un peu de fatigue mentale et ne me sens plus de partir en chemins de traverse. Pourtant j’avais envisagé une route ambitieuse vers la Rjúpnafell, qui aurait impliqué de trouver les passages au travers les canyons de la Ljósá et de la Þröngá. Une belle aventure… et je suis passé à côté ; ce sera mon gros regret du trek.

    A vrai dire, à me casser les yeux sur les sorties thórmörskoises du blog de Bigfoot, il m’en est resté plus d’anxiété que d’excitation, face aux pentes et aux dénivelés impressionnants, aux galères affrontées. Cette prévision météo pessimiste c’est le coup de trop. S’il m’arrive d’être courageux, c’est par valeur, pas par tempérament… C’est dommage, mais c’est dans cette ambiance un peu morose que débute ma journée.

    Une photo du camping. (Je m'étais installé dans le haut.)

    J6 - Rjúpnafell

    Je resterai donc pour un bon moment sur le laugavegur (y a pire !). Sans oublier quand même de quitter la trace pour un coup d’œil sur « ma » Markarfljót, rivière dont je connais si bien l’amont, avant de rejoindre la Rjúpnafell sans gloire. Compromis, quel vilain mot...

    Einhyrningur et la Fremri-Emstruá :

    J6 - Rjúpnafell

    Traversée de la Fremri-Emstruá sur la passerelle.

    J6 - Rjúpnafell

    J6 - Rjúpnafell

    Puis, donc, bifurcation vers le canyon de la Markarfljót.

    J6 - Rjúpnafell

    J6 - Rjúpnafell

    Retour au laugavegur.

    J6 - Rjúpnafell

    Puis un peu plus bas, nouveau détour vers la Markarfljót. Ici avec en arrière-plan Einhyrningur, le "Rhinocéros".

    J6 - Rjúpnafell

    Puis la Markarfljót seule.

    J6 - Rjúpnafell

    Et encore retour au laugavegur. La Ljósá, dont je ne me rappelle même pas la traversée.

    J6 - Rjúpnafell

    Dans cet environnement austère, sans cris d’oiseaux (hormis les piaulements déchirants des pluviers dorés), sans odeurs de végétation, le champ des sollicitations sensorielles se rétrécit, et la moindre nouveauté est une fête. Pendant dix minutes, je me goinfre de cette petite baie noire inconnue au goût subtil.

    J6 - Rjúpnafell

    Jusqu’à me rappeler un peu tardivement des derniers jours d’Alexander Supertramp… Anecdote. J’ai 22 ans, je suis en mobylette au Burkina-Faso pour une exploration aux chutes de Banfora. Mon guide s’écrie « Regarde, un crocodile ! ». Et je me précipite en avant. « Où ça, où ça ? ». Comment disait Brassens déjà ? Le temps ne fait rien à l’affaire…

    J6 - Rjúpnafell

    (Photo d'époque garantie. Alerte spoiler !! De la chute d'eau, on va en manger et de la balaise, dans les jours à venir.)

    Renseignement pris à mon retour, ces baies noires sont des camarines, tout à fait comestibles ! On en trouve dans les Alpes, mais elles y sont peu récoltées – je n’en ai jamais entendu parler -, alors qu’elles sont couramment consommées par les lapons et les esquimaux.

    Le gué de la Þröngá… Un gros sujet d’inquiétude pour les laugaveguriens, une traversée sans histoire en vérité cette année.

    J6 - Rjúpnafell

    La végétation est maintenant bien différente de celle du Landmannalaugar ! Ou de celle du Maelifellssandur !! Ce sont les "bois de Thór" : traduction littérale de Thórsmörk.

    J6 - Rjúpnafell

    (suite de l'article)


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  • (Début de l'article)

    Peu après le gué, j’enquille à gauche - enfin un peu de hors-piste - pour me rapprocher de la Rjúpnafell, débusquant au passage quelques couples de lagopèdes.

    J6 - Rjúpnafell

    Je ne suis plus qu’à 300 m d’altitude, la végétation est typique de la toundra (de l'idée que je m'en fais). Là, pas d’hésitation : myrtilles ! Que je ratisse à pleines poignées. Que c’est bon un peu de nourriture fraîche !

    J6 - Rjúpnafell

    Des bolets par centaines, qui me rappellent une nouvelle de Chalamov qui m'avait beaucoup marqué.

    J'ai retrouvé cette nouvelle : le feu et l'eau. Échappé momentanément du camp, il y décrit une sortie au-delà de la rivière en crue, à la cueillette des baies et des champignons.

    « Je pénétrai dans la forêt et mon sang de cueilleur ne fit qu'un tour : il y avait partout d'énormes cèpes, dressés séparément les uns des autres au-dessus de l'herbe ; leur taille dépassait celle des buissons d'airelles rouges. (...) Fouettés par l'eau de pluie de Kolyma, ces champignons étaient devenus monstrueux, avec des chapeaux d'un demi mètre ; il y en avait à perte de vue.»

    Ce texte paraît banal - Chalamov n'est pas poète - mais il faut le mettre dans le contexte des Récits de Kolyma, décortiquant nouvelle après nouvelle, la terrifiante vie de zek, coincé entre le camp de concentration, la mine et l’hôpital.

    Quelques heures de liberté pure que Chalamov avait su arracher : la version goulag de la gorgée de bière...

    J6 - Rjúpnafell

    Confronté aux pentes raides de toute cette région de Thórsmörk, je me résigne à récupérer un chemin balisé, en rejoignant un vallon au sud de la Tindfjallagil, avec la Rjúpnafell en visuel.

    J6 - Rjúpnafell

    Le chemin dévale un ravin impressionnant puis continue en balcon.

    J6 - Rjúpnafell

    J6 - Rjúpnafell

    Jusqu’à une grotte de troll…

    J6 - Rjúpnafell

    J6 - Rjúpnafell

    Un peu plus haut je débouche sur le plateau que je souhaitais atteindre directement par le nord, au pied de la Rjúpnafell.

    J6 - Rjúpnafell

    Il est 15 h environ. Finalement il n’a pas plu du tout… Et il n’y a pas eu de vent non plus… Je monte la tente dans cet herbage idyllique et me repose au soleil en attendant ma sortie du soir.

    J6 - Rjúpnafell (suite)

    Après dîner, je continue jusqu’au bord de la vallée de Thórsmörk, au-dessus du ravin de Goðagil. En face, les glaciers qui dévalent du Mýrdasjökull : Krossárjökull.

    J6 - Rjúpnafell

    Et Tungnakvislarjökull.

    J6 - Rjúpnafell

    Les nuages malheureusement assombrissent un peu trop l’atmosphère ; il va être temps de redescendre à la tente.

    J6 - Rjúpnafell (suite)

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  • (Jour précédent)

    De mon manque d’enthousiasme d’hier matin, j’en ai conclu avoir besoin d’un peu de repos, pour l’esprit, pour les jambes et le dos aussi. D’autant qu’en principe demain c’est LA grosse journée…

    Bref, j'ai juste prévu aujourd’hui de grenouiller autour de la vallée de Thórsmörk. Je remonte au-dessus de la Krossá, sur un sommet baptisé Stöng. L'Eyjafjallajökull en face.

    J7 - Hvannárgil

    J7 - Hvannárgil

    Je sors mon smartphone - il y a du réseau dans la plaine - et consulte Veður. Overcast le matin. Coup de vent et forte pluie en milieu d’après-midi puis toute la nuit jusqu’à 9 heures demain. Ça me conforte dans mon idée. Profiter de la matinée et ne pas trop en faire. Me relancer demain s’il y a une amélioration.

    Je descends donc vers la plaine via la crête de Stangarháls.

    J7 - Hvannárgil

    Arrivé dans la vallée de Thórsmörk, je suis la rivière vers l’aval quelques minutes afin de rejoindre les passerelles mobiles géantes au-dessus de la Krossá.

    J7 - Hvannárgil

    J’aimerais bien assister à l’installation de ces passerelles en début de saison, ça doit être quelque chose ! Je remonte vers le camping de Básar. J’installe ma tente dans les bois de bouleaux, à deux pas du chemin de Skógar. Y vide mon sac à dos.

    J7 - Hvannárgil

    Je choisis d’aller inspecter la vallée de Hvannárgil, juste au sud de Básar. Petite bavante jusqu’au col de Fremra-Básarskað.

    J7 - Hvannárgil

    Puis descente, un peu flippante quoique balisée, au travers les éboulis.

    J7 - Hvannárgil

    Ci-dessous une photo de la vallée adjacente à Hvannárgil : Suðurgil.

    J7 - Hvannárgil

    Et encore plein d’arrêts-myrtilles !

    J7 - Hvannárgil

    Remonter Hvannárgil… C'est mon idée. Pourtant, si j’ai emmené les crocs, j'ai bêtement laissé le reste de la tenue de gué dans la tente. Pas de pantalon de pluie, pas de chaussons néoprène. Optimisme béat ou acte manqué...

    Première traversée du torrent glacial sans problème (eau sous le genou). 150 mètres plus loin, nouvelle traversée à effectuer. Mes pieds sont déjà bleus. Je me lance. Le courant est bien plus violent ; les remous remontent à l’entre-jambe ; je sens la cuisse gauche qui tétanise, un début de crampe. Je lâche l’affaire à mi-chemin…

    Retour sur la berge. Faut me rendre à l’évidence : je ne pourrai pas multiplier les traversées. Hvannárgil m’a vaincu. Je repasse en rive droite un peu plus en aval. (Pourquoi n’ai-je pas eu l’idée d’explorer Suðurgil, au torrent bien plus clément…)

    Gros déjeuner pour me refaire une santé –  j’ai 2-3 lyo de rab’.

    Je reprends le chemin balisé qui longe la rive puis remonte un autre ravin.

    J7 - Hvannárgil

    J7 - Hvannárgil

    Retour côté Krossá.

    J7 - Hvannárgil

    Il ne me reste plus qu'à reprendre la piste 4X4, de nouveau le chemin vers Básar.

    Vise cette plaque personnalisée de fou...

    J7 - Hvannárgil

    Un peu la grosse tête le gars. Mériterait un petit coup de marteau dans les vitres ;-)

    Le troll-singe…

    J7 - Hvannárgil

    Retour à la tente. En attendant le fort coup de vent annoncé par la météo, la lecture de la montagne magique avance bien.

    A l'heure du dîner, je m'installe à une table de pique-nique. Avide de contact humain, j'alpague les deux français de la tente voisine. (Eux aussi m'ont reconnu en ma qualité de français - à mon Opinel !) Ils ont fait la veille la traversée Skógar-Thórsmörk. Ils me décrivent la beauté de l’itinéraire, le plateau sous le col, le volcan, et « pas mal de jolies cascades ».

    Ils sont enthousiastes, mais c’est leur première journée de trek en Islande. J’espère qu’ils n’en seront jamais blasés. J’essaye de leur donner quelques tuyaux pour améliorer leur laugavegur : la vallée de l’Innri-Emstruá, les fumerolles sous Hrafntinnusker, et puis Sveinsgil par Skalli une fois arrivés à Landmannalaugar (si j'avais été au courant de l'accident du 14 juillet, je ne l'aurais pas fait). Les gars, si vous me lisez, faites signe !

    Ben, la journée s’allonge, et il n’y a eu ni pluie ni coup de vent ! Cette nuit ?

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