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Je suis réveillé par des aboiements. Lointains mais quand même, je ne traîne pas à me lever et démonter la tente. J'ai juste terminé quand arrivent deux chiens de chasse. Ils me reniflent un peu, bof, pas intéressant, repartent débusquer les cochons - ou autres. Mais pas de chasseur.
La grande nouvelle du jour : il fait BEAUUU ! Elle a de la gueule la crête de Missicella. Ça ne ressemblait pas vraiment à ça dans le brouillard d'hier.
Vers le bas de la vallée du Cruzzini, il y a encore des nuages. Je ne sais pas si on pourrait voir la méditerranée, mais pas aujourd'hui en tout cas.
J'arrive rapidement au-dessus des maisons de Pastricciola.
Je perds un peu le chemin, me retrouve au-dessus du cimetière (bizarrement placé au-dessus du village), arrive enfin à me faufiler jusqu'à la route. Je passe, les chiens aboient, évidemment. L'un d'eux est un peu vindicatif et surtout n'est pas enfermé. Heureusement le proprio est là, le chope, m'explique qu'il a peur des bâtons. Ah oui tiens donc, pourquoi ?
Je remonte la route vers Chiusa. Passé la dernière maison, une feuille plastifiée, bloquée sur un plot par un caillou. Un arrêté. Suite à éboulement au lieu-dit Foscoli, blabla, décision (texte mangé par la pluie), interdiction aux véhicules, blabla, mairie de Pastricciola chargé de blabla.
OK...
Plus loin, au départ du sentier qui descend vers le Cruzzini, nouvelle feuille placardée sur un arbre. Éboulement, route dangereuse, sentier interdit, signé la mairie de Pastricciola.
Ben oui mais... De plan B je n'ai pas. Redescendre, il n'y aura pas de bus. Une possibilité de transversale plus bas pour rejoindre la voie ferrée ? Je ne sais même pas si c'est possible (ça sort des cartes en ma possession). Non, non, il faut que je tente ma chance sur le Cruzzini.
J'arrive au bord du Cruzzini en pleine gamberge. Si je passe la journée à remonter la vallée pour finalement me retrouver coincé et obligé de redescendre, ça va être chaud pour rejoindre Ajaccio dans le temps qui me reste.
Idée lumineuse de chercher le lieu-dit Foscoli sur ma carte... C'est pas loin, j'y suis dans un quart d'heure, au moins je serai vite fixé.
Et voilà le problème... Je comprends que les autorités ne veuillent pas prendre le risque d'y laisser crapahuter des familles de randonneurs du mare a mare, mais bon... ça passe.
C'est donc reparti avec beaucoup de soulagement. Ça va être maintenant une belle journée de marche sous le soleil, sans pression, même pas celle de l'orientation : s'agit juste de remonter le Cruzzini jusqu'en haut. En prenant son temps, en faisant de grosses pauses lecture.
Des grondements sourds. Un cochon sauvage, qui se barre sans prendre la pause.
Pour la première fois depuis le début du trek, me vient la pensée que cette solitude est quand même bien casse-gueule... Parce que là, sur un sentier interdit, c'est clair que je vais encore passer la journée tout seul. S'il m'arrive quelque chose, et probablement sans GSM dans cette vallée encaissée - va falloir se débrouiller.
Le ravin de Linfaro offre de belles perspectives vers la crête de Gialgarello. Sacré ravin - déjà faut y accéder - je me demande si des adeptes du "ravinisme" (sport typiquement corse !) s'y essaient de temps en temps ?
Quelques bosquets, de châtaigniers, de hêtres. Il faut se frayer un chemin à travers des chablis pas du tout entretenus ; c'est en fait assez amusant, à des années-lumière d'une balade en forêt "standard".
Je passe à proximité d'une sympathique bergerie plus ou moins en ruine, je crois que c'est Guarchetta.
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A partir de Guarchetta, on est au-dessus de la forêt, et le paysage s'ouvre.
Au torrent de Cadetta, grosse pause et grosse toilette au soleil...
Montée raide jusqu'à la Bocca Castellucio.
Dites-moi que c'est la Pointe Migliarello, qui se découpe au-dessus du ravin de Coracchia ?
Traversée du Cruzzini - passage en rive gauche.
Après une nouvelle pente ardue, les balises orange du mare a mare repartent à l'horizontal dans un bois de bouleaux et de hêtres.
Je commence à m'y faire, à développer une sorte d'intuition qui me permet de tracer la route, de deviner les changements de direction sans me perdre. Parce qu'en fait de chemin, il n'y en a quasiment pas.
Encore une grosse pause avant d'attaquer le dernier kilomètre avant le col, une bavante d'une pente de près de 50%. Retour en rive droite du Cruzzini.
A partir de là, le Cruzzini se scinde en trois ruisseaux. Le plus gros dévale de l'impressionnant ravin de Forcalelli.
Et je débouche enfin à la Bocca d'Oreccia.
A l'est, ça redescend vers Vivario. Je suis revenu sur le GR20.
Je prends l'arête sud, qui va me conduire rapidement au refuge de l'Onda, sous le Monte d'Oro.
Le refuge de l'Onda, bien entendu, est tout aussi vide que celui de Manganu. Malpropre, gros foutoir à l'intérieur, pas le coup de cœur ! Il est vrai qu'il a certainement souffert de la période non gardée.
Dans la soirée, le brouillard tombe sur le refuge de l'Onda.
Étonnant brouillard lumineux, surgi juste au coucher du soleil. Dîner, lecture. Je cache bien mes restes de nourriture, car j'ai au moins une compagne ce soir : une souris.
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Je redescends... Le Monte d'Oro est dans les nuages, aucun intérêt de se taper une traversée dangereuse dans ces conditions par la Punta Muratello.
Passé les bergeries de l'Onda, le chemin rejoint rapidement la forêt. Pas de panorama, le regard s’accroche à des détails.
Les belles fleurs vertes des hellébores...
Ce tronc colonisé par les amadouviers...
La traversée du ruisseau...
La réhabilitation d'une source... (Rasinella, je crois.)
Je déroule, me contente de profiter des derniers kilomètres au bord du ruisseau de Grottacia.
Je rejoins le ruisseau de Manganello et quitte le GR20.
En-dessous de la bifurcation vers Tolla, les spots de baignade sont réputés. De vrais baignoires d'émeraude !
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