Retour à ma quête des îles du Morbihan après deux infidélités. Il est temps de s'attaquer aux archipels de l'entrée du golfe. Sept-Îles de bon matin, une demi-heure avant la marée haute de Locmariaquer.

L'isthme de sable qui sépare Sept-Îles de Locmiquel est coupé par la mer pour encore un moment. Mais le courant est déjà orienté du nord au sud : renverse imminente sur la rivière d'Auray, peut-être est-ce déjà un peu tard. Je pars à l'ouest, renonce à rejoindre le Grand Huernic et vire au sud vers er Runio.

Je longe la côte ouest d'er Runio. L'île suivante est déjà en vue : le Grand Veïzit.

Dans la passe (si on peut dire...) entre er Runio et le Grand Veïzit, pas mal de courant ouest-est. Logique, il me semble, puisqu'on est déjà à marée haute à ma droite, à Locmariaquer, alors qu'à gauche, vers Arradon, ça ne sera que dans plus d'une heure et demi. Pas de quoi m'empêcher de rejoindre puis laisser à ma gauche le Grand Veïzit.

Car voilà mon principal objectif : l'îlot du Petit Veïzit et son fameux amer, bien connu des plaisanciers.

Si j'ai bien compris, quand on approche de la côte, on aligne la pyramide du Petit Veïzit avec le clocher de Baden et c'est comme ça qu'on entre dans le golfe du Morbihan sans risque.

Jolie plage de sable sur Petit Veïzit : je vais prendre le temps de m'y reposer. Je me faufile dans les goémons. Surprise au moment où je saute de la planche : une chèvre se précipite vers moi !

Elle a un compagnon, un mouton d'Ouessant.

Apparemment le couple est chargé de débroussailler le Petit Veïzit entre deux périodes de nichage des sternes. Respectueux des oiseaux, je ne pense d'ailleurs pas m'aventurer sur l'île. Je fais juste quelques mètres sur la plage pour un coup d’œil vers les Grégans et la sortie du golfe.

Je retourne vers ma planche, que la chèvre a investie. Elle se met même à mâchouiller le leash, je suis obligé de carrément le lui arracher de la bouche ! Le temps de prendre quelques photos, la voilà en train de brouter mes crocs puis de grimper sur le paddle.

Manquerait plus qu'elle perce la planche. J'aurais l'air fin, abandonné sur Petit Veïzit avec ma chèvre et mon mouton en guise de Vendredi... Il est temps de reprendre le large ! Je retourne vers le Grand Veïzit.

C'est maintenant plus laborieux : la mer est un peu formée de ce côté des îles. Je reste à genoux jusqu'à atteindre la hauteur de Grand Veïzit. A ma droite, il y a un autre archipel qui me tend les bras : Radenec, Île Longue, Gavrinis. C'est pour la prochaine fois. Mais plus touchy : courants, circulation...

On continue vers er Runio.

Une jolie épave sur er Runio. Les restes d'un thonier ?

Et enfin retour vers Sept-Îles. Du courant contre moi (m'emmène à droite, on est toujours en marée montante vers Arradon.)

Entre temps, Sept-Îles est redevenu presqu'île. Les touristes, et même des cavaliers, profitent de l'accès.

Pour l'anecdote, les chevaux ont eu très peur de ma planche, déposée en bord de route le temps qu'elle sèche. Il leur a fallu une bonne minute à la contempler avant d’accepter de la longer.

Une autre sortie en SUP ? C'est là !

C'est la première fois que je sors mon paddle du Morbihan. Vilaine, Blavet, golfe et ria d'Etel sont loin. J'en rêvais : le cimetière de bateaux de guerre de Landévennec, dans les boucles de l'Aulne.

J'ai déposé le vélo en amont, avant de rejoindre le port de Landévennec où je me mets à l'eau pile à l'heure de marée haute à Brest.

Un peu tard... Un pécheur, sur la cale, m'explique que la bascule a déjà eu lieu. Zut, j'avais supposé que l'onde de marée mettait quelques minutes à monter au bout de la rade et sur l'Aulne. C'est pas une science exacte... J'aurais dû partir il y a une demi-heure, voire une heure. Sauf que ç'aurait été trop tôt : il n'est que 8h40, le ciel est grisâtre, les photos vont être floues... D'un autre côté, pas un poil de vent.

Je traverse le Pal, une sorte de mini sillon de Talbert local, en raclant un peu l'aileron. Le courant est effectivement contre moi, mais très faible. J'en bave quand même un peu pour dépasser la pointe de Pen Forn, mais c'est plutôt à cause du lever très matinal.

Derrière Pen Forn, c'est déjà la boucle de Térénez et les premières vues du cimetière de Landévennec.

Le long de la rive gauche (à droite, donc), il n'y a plus du tout de courant. Très excité je remonte vers le premier ensemble de bateaux.

A Landévennec, il y a des bateaux de la Navale depuis 1840. Napoléon III et Eugénie ont visité la station en 1858. Pas en paddle, probablement. Trois heu, torpilleurs, vedettes, escorteurs, koikaisse, attachés côte à côte. Je m'imagine passer au milieu mais ça paraît quand même un peu étroit...

J'ai essayé d'identifier les bateaux du cimetière de Landévennec sur Internet mais pff, il y a constamment des arrivées et des départs, toutes les coques se ressemblent à mon œil béotien... Bref, pas facile. Je crois identifier là trois patrouilleurs de type P400 (si ça parle à quelqu'un...) : la Gracieuse, la Capricieuse... C'est quand même amusant de rechercher l'histoire de ces coques. La Capricieuse, par exemple, patrouillait dans la zone d'exclusion maritime en Guyane pendant les lancements des fusées Ariane. Lancement en 1984, désarmée en 2017.

Tous ces bateaux ne vont pas rester là : le cimetière de Landévennec est en fait un site de stockage provisoire de la Marine Nationale. Les coques partent ensuite une à une en démantèlement.

Un deuxième lot de bateaux. Toujours pas de courant, génial, je fais littéralement, absolument littéralement, des ronds dans l'eau, à la recherche des meilleurs cadrages, tout en essayant d'éviter de troubler le miroir ou attendant que les rides que je génère s'estompent.

Ce seraient des chasseurs de mines : l'Eridan, le Persée, le Verseau. Construits entre 1981 et 1989, désarmés entre 2009 et 2018.

C'est un vrai bonheur de photographe, des lignes, des courbes, des volumes... Manque le soleil, bien sûr, mais avec lui il y aurait probablement eu du vent, d'autres kayaks ou paddles, et donc pas d'effet miroir. Ça continue vers l'ouest. Celui-là, j'arrive facilement à l'identifier sur le net : le patrouilleur Albatros.

Amusant : l'Albatros a commencé sa carrière en 1966 comme chalutier congélateur. En 1983 il rejoint la Marine Nationale comme patrouilleur austral. Il a connu les TAAF. Son successeur, c'est le fameux Astrolabe ! Désarmé en 2016.

En route vers le dernier bateau, le plus grand. La frégate Primauguet.

Le Primauguet est le petit dernier du cimetière de Landévennec : lancé en 1984, désarmé en 2019.

Primauguet est le nom d'un fameux corsaire du roi. On parle de Louis XII, là... Primauguet (Portzmoguer, en bon breton) livre son dernier combat à la bataille de Saint Mathieu, à l'entrée de la rade de Brest, pas loin d'ici, donc. Il fait sauter son bateau dans l'espoir de mettre le feu également au bâtiment anglais, tous périssent, 1500 victimes...

L'ambiance, c'est aussi la bande son. Les mouettes ont investi les coques. Elles sont très mécontentes de mon intrusion. Ça crie, ça piaille, ça me fonce dessus : d'ici à ce qu'elles me bombardent de guano !

J'ai dépassé le cimetière de Landévennec. Reste à remonter l'Aulne tant que l'énergie est là. Je déborde l'île de Térénez.

Presqu'île, plutôt. Il doit falloir un gros coefficient de marée pour que ça submerge l'isthme. Je coupe tout droit, dans l'idée de me rapprocher du pont de Térénez.

Un joli pont à haubans, qui a la particularité d'être courbe. Inauguré en 2011, il a gagné le World Infrastructure Award en 2013. Passage au-dessus de l'Aulne spectaculaire quand on vient sur la presqu'île de Crozon. Bon, il y a trop de courant maintenant. J'abandonne l'idée de remonter jusqu'au pont et bifurque vers l'anse du Folgoat.

Encore un rond dans l'eau pour une nouvelle photo du pont de Térénez.

Un petit tour au fond de l'anse, jusqu'au moulin du Folgoat.

Et je reviens sur la cale du Folgoat où j'accoste.

Dégonflage de la planche, elle retourne dans le sac à dos - 11 kg. Je récupère le vélo. Y a plus qu'à. Avec une belle côte... Point haut 109 mètres. Et redescente sur le port de Landévennec.

Une autre sortie en SUP ? C'est là !

Beau temps, pétole, marée haute à mi-matinée, coefficient de marée moyen (68)... et c'est samedi ! Ne pas en profiter serait pécher.

Oh, sinnerman, where you gonna run to?
Sinnerman where you gonna run to?
Where you gonna run to?
All on that day

Bref, il faut foncer et enfin tenter un de ces projets qui traînent dans ma todo list et attendent ce jour parfait.

So I run to the river
It was boilin', I run to the sea
It was boilin', I run to the sea
All on that day

Me voilà au pont Lorois, en rive ouest de la rivière d'Etel. La marée haute dans une heure, faut profiter, je me lance.

La mer est calme, au niveau de la cale, mais ça remue encore bien sous le pont Lorois.

Je pensais traverser rapidement vers la rive orientale, mais au bout de cinq minutes les courants m'ont déjà jeté par-dessus bord. Frisquet le premier bain de l'année en short et tee-shirt... Je regrimpe laborieusement sur la planche, faut espérer que ça va sécher vite sur la bête. Je me résigne à passer sur la gauche de l'île de Gravignez.

Derrière Gravignez, la ria d'Etel s'étale, pâle étole de tulle platine ; pantelant, j'y plante ma pelle ; plus de remous... Je traverse rapidement pour ne pas rater Nichtarguér.

C'est THE carte postale morbihannaise, ne me dis pas que tu ne l'avais jamais vue. 110% des touristes qui se pointent sur Etel prennent ce cliché depuis la digue qui conduit à Saint-Cado.

Donc... Y a pas de raison que je ne me fasse pas plaisir moi aussi, d'autant qu'il n'y a pas trop de courant dans le chenal entre Saint Cado et Nichtarguér : encore, la fameuse "maison aux volets bleus"...

Encore, encore... Nichtarguér sous un angle un peu plus original, avec le pont Lorois dans le fond.

Bon, j'ai payé mon tribut au Dieu des Espadrilles-et-Bermudas, je reprends la pagaie. Je navigue au-dessus des parcs à huîtres, ils semblent passer largement sous mon aileron. Précautionneusement quand même j'essaye d'avancer entre deux alignements. Contournement de l'île de Saint Cado.

Deux cygnes me survolent majestueusement - déjà un peu loin lorsque je cliche.

Je suis parti du pont Lorois il y a tout juste une demi-heure, ce n'est pas encore le moment de rentrer.  Je rejoins le bord de l'île de Niheu, respire un bon coup puis me lance dans la traversée vers l'île de Fandouillec. Doit y avoir dans les 600 m.

We got to run to the rock
Please hide me, I run to the rock
Please hide me, I run to the rock
All on that day

Ça va, il y a toujours du courant montant, ça m'aide bien à rejoindre Fandouillec.

Je ne sais pas quelle est l'ampleur de Fandouillec - honnêtement je suis parti bien à l'arrache ce matin, j'ai juste visualisé le pont Lorois et Saint Cado sur Géoportail. Vu que le courant est toujours montant, alors que c'est pile la marée haute à Etel, j'ai bien le temps d'essayer de déborder l'île. Je croise deux kayakistes qui contournent également Fandouillec. On bavarde, ils se moquent de moi, comment tu fais pour t'asseoir, je les regarde de haut etc, me disent que la renverse, c'est vers midi.

Suis un peu perplexe, je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de décalage entre le port d'Etel et le pont Lorois. Ça me rappelle des plongées bouteille au Magouer. C'est le Directeur de plongée qui donnait le top de la mise à l'eau, j'aurais dû être attentif. Cela dit, il m'est arrivé de faire drapeau au fond de la ria...

J'aperçois un chouette îlot vers la côte, une sorte de réminiscence de Nichtarguér et de la maison aux volets bleus. Il faut aller voir.

C'est l'îlot er Vugale.

Bon, il faut redescendre la ria. Je pagaye entre l'île de Fandouillec et la pointe du Collet. Ah ah, mes amis kayakistes ont trouvé le moyen de s'échouer.

Passé la pointe de Saint Guillaume, j'ai deux bons kilomètres pour revenir au pont Lorois.

Faut appuyer sur la pagaie, ils avaient raison les kayakistes, on est encore loin de la renverse. Je passe l'îlot de Miniavec et ses ruines.

Retour à l'île de Gravignez. Un moment je pense passer sur la gauche - comme ça je l'aurais contournée, mais à l'évidence il y a encore un courant bien établi côté est de la ria.

En restant au plus près de la côte ouest, le courant n'est pas trop difficile à contrer. Le pont Lorois se rapproche.

Et voilà, retour à la cale de la crèperie.

Up come power !
Power, lord !
Power, lord !

Une autre balade en SUP ? C'est ici !