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J6 - Rjúpnafell (suite)
Peu après le gué, j’enquille à gauche - enfin un peu de hors-piste - pour me rapprocher de la Rjúpnafell, débusquant au passage quelques couples de lagopèdes.
Je ne suis plus qu’à 300 m d’altitude, la végétation est typique de la toundra (de l'idée que je m'en fais). Là, pas d’hésitation : myrtilles ! Que je ratisse à pleines poignées. Que c’est bon un peu de nourriture fraîche !
Des bolets par centaines, qui me rappellent une nouvelle de Chalamov qui m'avait beaucoup marqué.
J'ai retrouvé cette nouvelle : le feu et l'eau. Échappé momentanément du camp, il y décrit une sortie au-delà de la rivière en crue, à la cueillette des baies et des champignons.
« Je pénétrai dans la forêt et mon sang de cueilleur ne fit qu'un tour : il y avait partout d'énormes cèpes, dressés séparément les uns des autres au-dessus de l'herbe ; leur taille dépassait celle des buissons d'airelles rouges. (...) Fouettés par l'eau de pluie de Kolyma, ces champignons étaient devenus monstrueux, avec des chapeaux d'un demi mètre ; il y en avait à perte de vue.»
Ce texte paraît banal - Chalamov n'est pas poète - mais il faut le mettre dans le contexte des Récits de Kolyma, décortiquant nouvelle après nouvelle, la terrifiante vie de zek, coincé entre le camp de concentration, la mine et l’hôpital.
Quelques heures de liberté pure que Chalamov avait su arracher : la version goulag de la gorgée de bière...
Confronté aux pentes raides de toute cette région de Thórsmörk, je me résigne à récupérer un chemin balisé, en rejoignant un vallon au sud de la Tindfjallagil, avec la Rjúpnafell en visuel.
Le chemin dévale un ravin impressionnant puis continue en balcon.
Jusqu’à une grotte de troll…
Un peu plus haut je débouche sur le plateau que je souhaitais atteindre directement par le nord, au pied de la Rjúpnafell.
Il est 15 h environ. Finalement il n’a pas plu du tout… Et il n’y a pas eu de vent non plus… Je monte la tente dans cet herbage idyllique et me repose au soleil en attendant ma sortie du soir.
Après dîner, je continue jusqu’au bord de la vallée de Thórsmörk, au-dessus du ravin de Goðagil. En face, les glaciers qui dévalent du Mýrdasjökull : Krossárjökull.
Et Tungnakvislarjökull.
Les nuages malheureusement assombrissent un peu trop l’atmosphère ; il va être temps de redescendre à la tente.
Tags : Rjúpnafell, Tindfjallagil, Thórsmörk, Goðagil, Mýrdasjökull, Krossárjökull, Tungnakvislarjökull
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