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Chemin des crêtes - J3
Allongé sur mon matelas gonflable, sans un filet d'air pour évaporer la transpiration, le début de nuit a été bien long. De courtes heures de sommeil...
Je repasse à la fontaine de Cannelle, fais le plein (trois litres et demi). Incident cocasse, mais significatif des fragilités logistiques d'un trek en autonomie : pas moyen de retrouver le bouchon d'une de mes bouteilles, pourtant en principe posé précautionneusement à côté du point d'eau. Je bouche avec un mouchoir, mais il va falloir veiller à garder le sac vertical...
Montée : il s'agit de rejoindre le fil des crêtes qui coupent en deux le cap Corse verticalement.
Col de la Serra (366 m), que je m'imaginais dépasser dès hier soir : dans mon plan initial je continuais jusqu'au col Sainte Catherine. Je pose le sac et monte voir le moulin Mattei.
Histoire singulière qu'a connu ce vieux moulin du XVIIIème, abandonné longtemps, transformé en effigie publicitaire à la fin du XIXème par un fabricant d'apéritif.
De nouveau abandonné, et puis restauré à l'identique par le Conservatoire du Littoral en 2004. Je laisse le moulin Mattei derrière moi, redescends au col de la Serra pour prendre la route d'accès aux éoliennes. Vue arrière.
La température monte, à peine moins abrutissante qu'hier. Le vent s'est levé, pas trop fort pour l'instant. Il est de secteur sud-ouest : c'est u libeccu. Au nord, la mer ligure, la côte où je crapahutais sur le sentier douanier, l'île de la Giraglia.
Les éoliennes, moulins du XXIème, sur la pointe de Torricella.
A l'ouest, Centuri et l'île de Capense.
A la pointe de Torricella, un ingénieur m'arrête : un convoi est en train de remonter la piste. Ils installent des éoliennes supplémentaires tout au long de la crête. Je laisse passer la bête : un gros poids-lourd tiré par un deuxième camion tracteur. Vers la pointe de Colombara je quitte la route des éoliennes mais je n'en ai pas fini avec les chantiers : on est en train de tirer la fibre tout au long du chemin vers le col Sainte Catherine. Il fait de plus en plus chaud et le libeccu reste bien faiblard. Je fais de plus en plus de pause, cherchant un peu d'ombre dans les fossés. Coup de chance, un ouvrier du chantier a jeté sa bouteille d'eau (pas bien...), et je récupère un bouchon !
Dans ces kilomètres le paysage n'est pas passionnant, entre la piste défoncée par les tranchées et l'atmosphère un peu grisâtre vers les deux mers. Peu de photos.
J'ai fait une grosse pause déjeuner sous des buissons, pour laisser passer les heures du zénith solaire. Arrivée au col Sainte Catherine. Ça redescend vers Notre Dame des Grâces.
Il y a de belles prairies, autour de la chapelle, avec mon moral bien bas je poserais bien ma tente, mais j'ai presque une demi-journée de retard par rapport à mes plans, et même en révisant mes ambitions à la baisse, il faut continuer.
Je reprends vite du poil de la bête, sur un sentier maintenant bien sympa, avec vue sur la méditerranée, le golfe d'Aliso, depuis la pointe de Gulfidoni.
Descente raide dans la forêt vers le col de Santa Lucia. Sous ce col, la carte IGN indique la funtana di Navacchi. Occasion de refaire le plein ? Je laisse le sac, dévale dans la forêt avec mes bouteilles. Pas d'eau. Ça devient préoccupant... Je remonte sous la tour de Sénèque.
Une tour de surveillance avait été construite à cet emplacement par les romains, et le philosophe Sénèque y aurait été enfermé quelques années. Ou pas. On dit aussi qu'ayant été un peu trop entreprenant auprès d'une bergère, on l'aurait condamné à être roulé nu dans les orties. Bref, il n'a pas gardé bon souvenir de son séjour en Corse, écrivant ceci : " Se venger est la première loi des Corses, la seconde vivre de rapines, la troisième mentir et la quatrième nier les Dieux".
Pour en revenir à la tour, c'est en fait les restes d'un château du XIVème.
Au pied de la tour de Sénèque il y a quelques maisons, les premières de la journée depuis la fontaine de Cannelle. Je mendie de l'eau. Maintenant il faut que j'avance, il faut que j'avance... Descente dans la forêt. La montagne fait château d'eau, ça coule bien dans le ruisseau de Fundali, j'aurais pu y recharger mes bouteilles.
Très beau sentier, très ancien manifestement, vu les murets moussus, les terrasses.
Il y aurait moyen de poser la tente dans les bois mais je veux continuer encore. A l'approche du hameau de Fieno, ça remonte. Grondement d'un cochon sauvage, pas vu. La végétation se densifie, ça laisse peu de possibilités de trouver un site de bivouac mais plus rien ne m'arrête ! Et puis j'ai repéré sur la carte, au point coté 477, une petite zone déboisée, c'est mon pari pour ce soir. Pari gagné ! Magnifique parcelle moelleuse, plate. Content !
Mais pas de vue vers le mer tyrrhénienne, le temps est devenu bien gris, je suis à la limite des nuages.
Données GPS du jour : 19,3 km, +1233 m, -1344 m. (Il y a manifestement une anomalie dans les déniv'.)
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