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J3 - Selva de Oza
Plongée dans la forêt, la selva de Oza.
Le challenge du matin : tracer dans la selva de Oza pour déborder la ligne de crêtes nord de la sierra de Bernera sans traverser l'Aragón Subordán. Il y a un chaînon manquant d'à peine 200 mètres entre les traces répertoriées sur mes extraits de cartes (géoportail et open maps).
Arrivé à l'endroit crucial, je prends droit dans la pente. D'abord sans difficultés, je me retrouve coincé par le talus au-dessus du chemin que je veux atteindre. il faut me faufiler au pied d'une petite barre rocheuse, afin de le rejoindre en biseau. Ça passe.
Me voilà sur un sentier balisé rouge et blanc - un GR ! C'est rassurant.
Passé la première ligne de crêtes (le Codero de Achert), le chemin descend jusqu'au bord du Aragón Subordán - cote 1000 et des poussières, suis descendu bien bas ; je ne traverse pas !
Ça remonte dans la montagne, s'enfonce dans une vallée jusqu'au torrent issu du barranco Borregueril. Un petit passage à gué sympathique m'attend... Je remonte un peu les bas de pantalon, chausse mes fameuses crocs fétiches et entame la traversée, les godillots d'une main, les bâtons de l'autre.
Zip, splash, qui a oublié sa savonnette au fond du torrent ? Je m'écrabouille comme Surya Bonaly dans un mauvais jour. Vite ramper vers les rochers et ne pas glisser dans les rapides. Et surtout SURTOUT ne pas lâcher les chaussures !
Pfou c'était moins une. Le fond du torrent est une vraie patinoire... Bon les godasses sont trempées, mais je ne les ai pas lâchées. Le pantalon est trempé aussi, on s'en fiche, quelques belles écorchures aux coudes et aux doigts, le reste ça va. Mais je suis toujours du mauvais côté.
On y retourne avec un peu plus d'humilité... Le matos à protéger au fond du sac. Les chaussures attachées autour du cou. Je me lance cette fois-ci en amont du tronc placé en travers et m'en sers de main courante. Cette fois-ci ça passe !
De nouveau ça descend jusqu'au Aragón Subordán.
Et le GR me lâche - il traverse la vallée, probablement pour remonter jusqu'à la chaussée romaine qui surplombe la rive droite. Certainement très joli mais ça m’emmènerait beaucoup trop à l'ouest et beaucoup trop au sud. Je reste donc en rive gauche, sur un chemin bien moins marqué. Ça remonte. Déjeuner avec vue sur la vallée de Hecho.
Challenge de l'après-midi : passer la crête sud de la sierra de Bernera et rejoindre le chemin de Gabardito. Avec un gros doute sur la continuité de la trace et surtout l'inquiétude de devoir traverser un autre torrent, celui issu du barranco de Agüerri.
Eh bien tu sais quoi ?
Ça passe crème (on dit comme ça ?).
Au milieu du chemin tout plat qui traverse le bajante de Gabardito, un bruissement et du mouvement dans les feuilles mortes. Je m'arrête net. Un serpent ! Jamais vu ça : au lieu de fuir il tend méchamment la tête vers moi, joue au cobra pas charmé pas charmant !
J'ai dû croiser de près, quasiment marcher, sur une vipère une bonne demi-douzaine de fois dans mes randos mais je n'ai jamais eu le temps d'en photographier, alors là, pas question de me laisser intimider. Appareil photo armé je me rapproche autant que je l'ose. Mais c'est qu'il y en a des anneaux !
Je comprends mieux ce comportement étrange. Il n'y a pas un mais deux et même trois serpents (j'ai compté trois têtes) emmêlées en un nœud de vipères !
Je les laisse à leurs fricotages dégueulasses et reprends mon chemin. Cette fois c'est gagné, je suis sur le rail, à remonter le GR qui longe les crêtes sud de la sierra de Bernera.
L'alpage de Gabardito et la peña Forca en arrière-plan.
Ça remonte en rive gauche (orographique) du barranco de Agüerri.
Jaune, bleu, rouge, ce sont les couleurs... de la Colombie.
C'est l'instant Fun with Flags...
Version prosaïque : "Le jaune, le bleu et le rouge parce que ces couleurs sont des couleurs primaires, simples, que tout homme peut voir sans peine."
Version officielle : "Le jaune représente l'or, le bleu représente les deux océans qui baignent le littoral du pays et le rouge symbolise le sang qui a coulé pour la libération du pays."
Version romantique : "Tout d'abord, le jaune pour signifier aux peuples que nous voulons et aimons la fédération, puis le bleu, la couleur de la mer, pour démontrer aux despotes de l'Espagne que l'immensité de l'océan nous sépare de leur joug abominable et, enfin, le rouge afin de faire comprendre aux tyrans qu'avant d'accepter l'esclavage qu'ils nous ont imposé durant trois siècles, nous voulons les noyer dans notre propre sang, en leur jurant une guerre à mort au nom de l'humanité."
Une petite montée raide au niveau du salto de la Vieja...
... et j'atteins une sorte de plateau (Plandaniz) à peu près à la cote 1700.
Le paysage prend un caractère complètement différent, des formes douces et arrondies qui tranchent avec les crêtes acérées de la sierra de Bernera. Le pastoralisme s'en est emparé, il y a plusieurs cabanes où je pourrai m'installer (je vise celle de Dios te Salve). En cette saison, pas de moutons ou de vaches mais, surprise, un troupeau de petits chevaux genre pottoks aragonais. Voilà ma cabane. L'étalon me toise et s'approche, mais sans hostilité.
Mouah ah ah, se marre la maman pottok. Ce n'est pas Dios te Salve, c'est la cabane de Plandaniz.
Tordant. A s'en rouler par terre. Faut encore monter.
Ouf, enfin Dios te Salve. Le Visaurin (Bisaurín), sommet de la sierra de Bernera, pointe son nez.
Données GPS du jour : 13,9 km, +1534 m/-1275 m. Il va y avoir du vent et quelques gouttes dans la nuit : je préfère ne pas dormir sous la tente. La cabane de Dios te Salve n'est pas un pur bonheur, mais il y a comme 2-3 palettes qui vont me permettre de ne pas installer mon matelas directement sur le sol.
Dans les pentes au sud-ouest, quelques troupes d'isards se prélassent. Je fais de même en attendant l'heure de la popote. Puis je monte sur la crête derrière la cabane. Vue sur le Visaurin et sur le barranco de Taxeras, par où je serais arrivé si j'avais pu traverser hier au niveau du Secús.
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Tags : peña forca, borregueril, agüerri, plandaniz
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