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Chemin des crêtes - J4
La nuit a été très différente de la précédente. Pas de chaleur insupportable : le libeccu a bien soufflé et ça a même viré à l'orage. Petit orage sans grosse pluie ni activité électrique trop flippante. Séquelles ce matin : les crêtes sont dans le brouillard.
Pas de visibilité au col de Pinzu a Vergine, site connu pour ses menhirs.
Bon, c'est pas Carnac. Cheminement sur la crête de la punta Gravinacce. Même dans la brume c'est beau.
Et l'odorat compense la vue : extraordinaire mélange de fumets divers, malheureusement je n'y connais rien en herbes aromatiques, je suis incapable d'expliquer ce que je renifle. Tiens, ça par exemple ?
(Immortelle d'Italie, à la forte odeur de curry.)
Dommage quand même de rater la vue sur le golfe de Giottani.
Passage obligé : la funtana di a Petricaghjola.
Elle coule abondamment, je bois tout ce que je peux et bien sûr fais le plein : pas d'autre point d'eau en prévision pour la journée, voire le début de la suivante. Ça grimpe rude jusqu'à la bocca di a Serra - cote 1007 : pas de canicule à cette altitude.
C'est toujours le libeccu qui souffle, fort, pas très agréable : plutôt que de prendre le chemin des crêtes je choisis de rester sous le vent. Côté est il y a un peu moins de nuages, petit effet de foehn.
Je traverse sous la cima di e Follicie, point culminant du cap Corse, je me rattraperai au Stello, il n'y a que 17 mètres d'écart. J'avance très lentement, victime d'une de mes habituelles crises d'extrasystoles, dans une zone de maquis qui se remet d'un incendie.
(Je n'arrive absolument plus à me souvenir où je me suis arrêté pour déjeuner. J'étais obnubilé par mes tentatives de maîtriser mes battements de cœur et par mes baisses de tension, qui me laissaient régulièrement au bord de l'évanouissement.)
Bref, le sentier remonte peu à peu vers les crêtes. Aujourd'hui je veux avancer, pas de longue pause zénithale : de beaux cumulonimbus moussent au-dessus de moi, j'ai peur qu'ils se transforment en orages vespéraux, et il ne ferait pas bon traîner du côté du Stello sous les éclairs.
Le libeccu souffle de plus en plus, dégageant le rocher de Pruberzulu.
Une splendide et large fleur orange : lys safrané.
Ou lys orange. Je pensais que c'était une fleur de montagne plutôt qu'une fleur méditerranéenne.
Ça redescend à la bocca di San Giuvanni. Et, chouette, revoilà la mer (la tyrrhénienne ce coup-ci).
Selon mon plan initial, d'ici je descendais vers Nonza ; j'avais clairement présumé de mes capacités. Il aurait fallu un jour de plus pour louvoyer entre les crêtes et le bord de mer. La chapelle Saint Jean pourrait faire office de cabane pour ce soir, ou bien ce serait pêcher que de m'y installer ? Bon, de toute façon le risque d'essuyer un orage semble s'éloigner, les extrasystoles ont disparues, la noce continue. Ça regrimpe vers le monte Cagnolu (1017 m). Vue arrière vers la cima di e Follicie.
Cisco, Crosciano.
Plus trop la force de continuer. Sous le monte Corvo la prairie est assez plate pour installer ma tente. Je stoppe. Pas beaucoup d'ombre, mais il y a quand même moyen de s'allonger pour bouquiner, en attendant que le soleil daigne descendre. Le libeccu souffle toujours. Opportunité de s'entraîner au montage de la tente dans le vent.
Encore un bien beau site de bivouac, avec la mer tyrrhénienne à mes pieds. Le libeccu se calme. Bonne nuit !
Données GPS du jour : 12,9 km, +1082 m, -450 m.
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