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Stances à une sirène
Il avance, à grandes foulées lestées de plomb
Et soulève, comme un obscur voile de brume,
La poussière grise du passé. Tout au long
Du chemin à cela ses pensées se résument.
Il résiste pourtant, il veut vivre au présent,
Se laisser fasciner par ces étranges formes,
Lumineux gonfalons bercés par le jusant.
Hélas, pas une fois ses folies ne s’endorment !
Ces breuils de goémons, qu’il écarte des bras,
Ne sont-ils pas comme la jungle du vieux livre,
Cette forêt de votre enfance où Bagheera,
Naïve parangon, vous enseignait à vivre ?
Ce bouquet de gorgone évoque un éventail,
Agité par quelque gracieuse débutante,
À ce bal où les gars te prenaient par la taille.
Et tu valsais, Lili, offerte, consentante !
L’orchestre ne joue plus ; la balise qui gît,
Fatiguée du ressac, a préféré s’éteindre.
Le monde du Grand Monde a perdu sa magie
Et les amants, trop tôt, ont fini de s’étreindre.
Il s’enfonce un peu plus, au fond de l’Océan.
Le temps se fige dans ces fosses sans chaleur :
Ton souvenir enfin sombre dans ce néant
Où le passé n’est rien, pas même une lueur.
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Mais ils ne sont pas là, ces soleils rajeunis
Rêvés par le poète au fond des mers profondes :
Nuls serments, nuls parfums, nuls baisers infinis,
N’ont trouvé place au fond de ce gouffre qu’il sonde.
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