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Par lartisan le 6 Août 2013 à 23:13
Chapitre 1
"Trois brins d'herbe, de l'écorce,
Des baies de loup, du chiendent,
Un peu de sang pour la force,
Poils de chèvre et cheveux blancs :
Je touille pour obtenir
Une bonne dose d'élixir."La Petite Mu, jeune sorcière,
Mitonne la potion
Que lui a ordonné de faire
Le Baron Fourmilion.C'est qu'ici, au Pays des Dunes
Ce triste personnage
Veut donner à chaque pleine lune
A boire ce breuvage
Au malheureux qu'il va manger.
Le pauvre rendu fou
Aura bientôt fait de glisser
Jusqu'au fond de son trou.La Petite Mu n'en peut plus,
Elle voudrait s'en aller,
Déménager toute sa tribu
Et tout recommencer
Ailleurs : rompre l'enchantement
Posé par Fourmilion.Elle pense alors subitement
Qu'un de ses compagnons
De fortune pourra l'aider :
C'est le Snorque, vampire
De son état, un grand dadais
Qui n'a jamais fait pire
Que mordre deux ou trois lapins.Elle appelle en pensée
Cet étrange mais bon copain
A venir la trouver.Chapitre 2
"Au nom de notre amitié
Emprunte à la coccinelle
Ses élytres mordorés
Ou chevauche une hirondelle.
Embrasse le vent d'été
Et rejoins-moi d'un coup d'aile."A peine cette incantation
Lancée par la sorcière
Paraît déjà à l’horizon
Par-dessus les bruyères
La forme du renard volant.Le Snorque est un vampire :
Il s'est changé en moins de temps
Qu’il ne faut pour le dire
En chauve-souris carnivore.Le voilà qui se pose.
Il annule d’un contre-sort
Cette métamorphose
Et d’un coup retrouve un statut
Presque humain. Deux canines
Un peu trop longues, un peu pointues
Trahissent ses racines
A son sourire. « Petite Mu,
Tu as besoin de moi ? »« Oui » dit la magicienne émue
Par l'affection qu'elle voit
Dans les yeux du gentil vampire.
« La torpeur qui m'obsède
Est magique. Mais pour la fuir
Je connais un remède. »La belle arrache violemment
Son étoffe de soie,
Présente un sein opalescent
Et dit : « Snorque, mords-moi ! »Chapitre 3
"Je vous invoque, succube,
Stryge, onoscèle, lamie.
Que par la dent de l’incube
Assoiffé du sang ami,
Que par les crocs de la goule
Injure et fiel noir s’écoulent !"Recette peu connue mais sûre :
Qu'un vampire vous blesse
Au sein, alors par la blessure
Un flot de sang brun laisse
Sourdre toute malédiction.Faites pourtant l'effort
De choisir avec attention
La bête qui vous mord :
Qu'elle ne pompe trop de sang !Le Snorque est comme en transe,
Hypnotisé. Et sur le champ
D'un coup de croc il trans-
Perce le mamelon carmin
De la jeune sorcière.Ses lèvres blêmissent. Ses mains,
Ses bras, encore hier,
Dorés, ont perdus leurs couleurs.
Elle pleure, vulnérable.
A son côté le Snorque a peur.
Va-t-il être capable
En cet instant de retenir
Ses pulsions ? Après tout
Il n'est rien d'autre qu'un vampire !Il contemple le cou
De la Petite Mu. Pour lui,
C'est la première fois.
Il sait que la fille évanouie
Devrait être sa proie.
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Par lartisan le 8 Août 2013 à 12:37
Chapitre 4
"Toi Vlad, lointain aïeul, vous
Parents de Transylvanie,
Monstres sanguinaires et fous,
Ecoutez : je vous renie.
Petite soeur chérie, va-t-en :
Je ne boirai pas ton sang."Quand la jeune femme se réveille
Le Snorque n’est plus là.
Et si dans son demi-sommeil,
Comme en rêve elle l’a
Entendu, il n'est pas temps d'y
Penser, il faut s'enfuir :
Le Baron va, pour son midi,
Exiger l'élixir !La morsure l’a libérée
De son emprise. Vite,
Il s'agit de récupérer
Son mari, ses petites
Et de s'échapper loin des Dunes.
………………………………Quelques jours ont passés.
Nous retrouvons au clair de lune
La famille apaisée.
Ils sont bien loin de leur foyer ;
Ils ont juste eu le temps
De s'échapper sur un voilier.Quelle aventure attend
Ces apprentis marins ? Voilà
Que l'alizé s'essouffle
Et puis s'arrête. Calme plat...
Plus un bruit, plus un souffle.
Autour d'eux, l'océan est lisse,
Un miroir de mercure.
Lentement du fond de l'abysse
Remonte une ombre obscure.Chapitre 5
"Chères vieilles tantes de Salem
Martyrs de l'inquisition
Je vous emprunte un blasphème
Un sort, une incantation.
Baba Yaga, ma grand-mère
Et vous toutes amies sorcières..."...Mais l’appel est parti trop tard.
Déjà le pont bascule
Alors que le Grand Calamar
Lance ses tentacules
Vers les marins qui tous s'enfuient.La Petite Mu coupe
Un appendice, puis deux, puis
Trois, tandis qu'à la poupe
Une des filles avec courage
Tente de faire pareil.Partout la bataille fait rage.
Son mari vise l'oeil
De l'animal aux milles bras.
Mais son harpon se tord
Et puis retombe avec fracas
Dans la mer. A bâbord,
Comme à tribord, c'est la panique.
Inutile d'user
D'une de ses formules magiques :
Les écailles irisées
Forment comme une carapace
Et tous les maléfices
Y rebondissent ou s'y fracassent.Prête à tout sacrifice
Elle se faufile sous le ventre
Et s'approche du bec.
Dans la gueule fétide elle rentre
Une épée d'un coup sec.Chapitre 6
"Octopus, goûte à ma lame
Et dis-moi que tu en jouis !
Qu'elle s'enfonce en ton âme
Et qu'alors celle-ci s'enfuit
Au plus lointain de ton corps.
Cette lame, c'est ta mort !"Le poulpe est pris de tremblements.
Il agite ses bras
Frénétiquement, violemment,
Bouscule les deux mâts
Du navire et s’effondre d’un
Coup sur la magicienne.Un profond beuglement soudain
Sort du corps du kraken
Mourant, puis c'est un grand silence...Enfin la Petite Mu
Rampe hors de la dépouille immense
A tout jamais vaincue.C’est le temps des réparations.
Hélas, tout est brisé :
Assurer la navigation
Ne sera pas aisé…
On monte un gréement de fortune
Avec des madriers.
Aucun vent ne se lève, aucune
Effluve pour gonfler
Le peu de toiles raboutées.Au soleil des tropiques
Apparaît la soif redoutée
De tous. Car les barriques
Ont toutes largement souffert
Du féroce combat.
Et soudain un cri : terre ! Terre
A l'horizon, là-bas !
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Par lartisan le 10 Août 2013 à 11:01
Chapitre 7
"Navigatrice au long cours,
Lumineuse Perséide
Au long de votre parcours
Je vous prie d'être mon guide.
Ephémère trait de feu
Soyez sensible à mon voeu."Pour faire accomplir tous ses souhaits
Il arrive qu'on tente
Au coeur de l'été d'amadouer
Une étoile filante.Ainsi le Snorque de tout coeur,
Prie vers le firmament
Pour la guérison de sa soeur
Qui se meurt lentement.La Demoiselle Snorque est blessée.
Son métier, c'est soldat
Et Fourmilion n'a pas cessé
De faire la guerre aux Rats
Géants de Sumatra. Atteinte
Au ventre elle respire
Encore. Dans ses pupilles éteintes
Et vides, le vampire
A vu la Camarde approcher.
Tout espoir est fini...
Elle avance, prête à faucher...
Bientôt c'est l'agonie...Le Snorque en est fou de douleur.
Dès le lendemain il
Quitte ce pays de malheur
Pour rejoindre la ville.
Il embarque sur le bateau
Qui fait la traversée,
Le "Matilda Briggs", un beau
Vapeur tout en acier.Chapitre 8
"Trois pour toi et trois pour moi,
Encor trois qui font neuf fois :
Brûle le feu, chaudron touille.
Estomac d'apostat juif,
Bile de chèvre, bois d'if :
Brûle le feu, chaudron bouille."La Petite Mu s'affaire autour
De son chaudron bouillant.
Elle ressasse tour à tour
Tous ces moments poignants :
Le Snorque, le Kraken, la terre
Et l’espoir recouvrés.Le ketch a remonté l’estuaire
Au gré de la marée
Montante et jeté ses amarres
Au quai d’une cité.
Bientôt, comme un nouveau départ
La sorcière a trouvé
Un travail plaisant, un foyer.Elle sent la douleur
A son téton droit estropié,
Pense aux mots : « petite soeur »
Que lui a murmuré l'incube…
Enfin quoi, elle n’a rien
D’un vampire ! Ça la perturbe
Et la trouble, ce lien
De parenté un peu vexant…
Elle n'est pas si petite
En tueuse de poulpe géant !
...................................Le Snorque aussi médite,
Accablé de chagrin. Le sable
Et la mer à ses pieds
Il se promène, misérable,
Au soleil de juillet.Chapitre 9
Va comme cette eau courante
Amour va la vie est lente
Passent les jours les semaines
Faut il que je me souvienne
Vienne la nuit passe l'heure
Les jours s'en vont je demeureLa tête basse il soliloque
Arpentant la jetée.Traversant le bazar, le Snorque
Est alors arrêté
Par une marchande tout sourire.
Oui, c'est la Petite Mu
Retrouvant son ami vampire !
Elle en est toute émue.Chacun raconte ses succès,
Ses malheurs. Il évoque
Avec émotion le décès
De la Demoiselle Snorque.- Voyons ne sais-tu pas que tes
Pareils jamais ne meurent ?!
Je saurais la ressusciter !
- Petite Mu, ma grande soeur,
Je t'en prie, retournons aux Dunes ! »
Dit-il avec passion.
- Embarquons ! Il me faut juste une
Marmite et mes potions.
Quant aux Rats, c'est de mon ressort :
Un court anacyclique,
"Alucard", pour lancer le sort
Et beaucoup d'arsenic ! »A bord du "Matilda Briggs", c'est
Le dernier des voyages
Et la gloire, le bonheur, qui sait ?
Tous, souhaitons-leur courage !
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