• Exégèse - par le Cardinal Grégan

    Un petit mot de contexte avant de balancer l'exégèse du Cardinal...

    Le Snorque et la Petite Mu a été publié en feuilleton sur un forum de voileux pixéliques : vous savez, ces gars qui font le Vendée Globe sur ordinateur, en parallèle du vrai. Un forum qui servait en même temps d'exutoire littéraire à quelques-uns. Des expériences bien sympas ! Régulièrement les classements internes au forum étaient introduits par quelques textes, et je m'étais fait une spécialité de parodier quelques chansons, en respectant scrupuleusement la scansion et les rimes. Ça pouvait donner quelque chose comme ça :

    When p'tit clipper
    We'll just have to remember
    I'll be down,
    No more, the former sailing gun hound.
    All day long in my home,
    When I will be down.

    Quand j'serai K.O.,
    Loin des bateaux qui vont sur l'eau,
    Poussé à terre
    Par des Gerbaut, des vrais loups de mer,
    Est-ce que tu m'aimeras encore
    Dans cette petite mort ?

    Attention : plus personne
    Champions de la Route du Rhum,
    Plus d'belle allure,
    Bateaux galopant tribord amure.

    Quand j'serai pomme,
    Un virtuel de plateforme,
    Est-ce que tu laisseras
    Ta main sur ma joue, posée comme ça ?
    Est-ce que tu m'aimeras encore
    Dans cette petite mort ?

    When p'tit clipper
    We'll just have to remember
    I'll be down,
    No more, the former sailing gun hound.
    All day long in my home,
    When I will be down.

    Plus d'atoll
    De coup d'tabac, de pétole,
    Plus de folles
    Régates en rase-bouée à Paimpol.

    Quand j'serai rien
    Qu'un skipper de salle de bains,
    Qu'un clic-clic
    De souris, de marin pixélique
    Est-ce que tu m'aimeras encore
    Dans cette petite mort ?

    Bon... Évidemment, c'est truffé de références totalement obscures aux personnes non familières à ce forum... Je balance... Mais d'abord une photo (apocryphe ?) du Snorque :

    Exégèse - par le Cardinal Grégan

    Exégèse  - Texte publié par le Cardinal Grégan dans le forum Rxxxx à la rubrique « Littérature txxxxxxxlienne »

    Origine :

    De l'origine du Dit, on sait peu de choses. De l'interpolation des différents indices disséminés dans le texte, de l'analyse des influences (voir ci-après) qu'a exercé la saga, un consensus existait jusqu'à récemment pour la situer aux alentours du XVème siècle. Comme on le verra plus loin, on avait en effet longtemps considéré ce récit comme pré-élisabéthain, mais postérieur à la découverte des Perséides (VIIIème). Jusqu'au jour où un érudit également géographe s'aperçut que Sumatra n'avait été découverte qu'en 1511.... Une majorité des historiens de l'art pense aujourd'hui que le Dit a été écrit aux alentours de 1600.

    D'autres estiment que le texte a été simplement remanié postérieurement et que le texte originel ne faisait pas état de Sumatra, pas plus, d’ailleurs, que de vapeur. De fait bien entendu, le procédé de vapeur n'a été inventé par James Watt qu'en 1769 et il apparaît à bien des égards extraordinaire qu'ait pu s'instituer un débat sur la découverte de Sumatra alors même qu'aucun savant n'avait trouvé à redire à la présence d'un bateau à vapeur dans le texte canon !

    La version incomplète découverte récemment au fond du cairn de Gavrinis n'est pas faite pour lever le mystère.

    L'auteur :

    Si la date de l'écriture de l'œuvre reste inconnue, l'auteur lui-même n'en est que plus mystérieux. Aucun autre écrit n'a pu être formellement attribué à Lartisan, à l'exception peut-être de deux ou trois poèmes, dont "Rêve d'Ile" qu'à vrai dire la majorité des historiens sérieux considère comme apocryphe (il y est question de la "télévision" !). Passons sur les autres attributions farfelues : "Les bêtises", "Monsieur l'ordinateur", "Colargol", entre autre.

    Certains estiment avoir prouvé que Lartisan est en fait Shakespeare lui-même ! D'autres ont pu penser que Lartisan ne faisait qu'un avec un autre poète mystérieux, Rocco, mais cette thèse est aujourd'hui complètement discréditée (voir analyse psychanalytique ci-dessous).

    Le lieu :

    Etrangement, si l'auteur reste inconnu et si la date de création est sujette à discussion, la totalité des exégètes s'accordent à donner une origine celte au récit. En Bretagne par exemple, le texte est aujourd'hui aussi culturellement implanté que le fest-noz ou le kouign-amann. L'incidence sur les cultures slaves et scandinaves serait postérieure.

    Le Pays des Dunes est en général associé à la Cornouaille, et la cité où se retrouvent les deux héros de l'histoire serait Londres (l'estuaire étant bien entendu la Tamise). Une minorité situe plutôt le récit sur la côte atlantique : les Dunes seraient celles d'Etel ou encore celles de Noirmoutier. Quant à la cité, il s'agirait de Nantes et l’estuaire serait celui de la Loire.

    L'étude des courants, depuis peu disponible, permettra peut-être de trancher...

    Influences :

    A l'instar des légendes homériennes ou des chants arthuriens, le Dit du Snorque et de la Petite Mu a influencé en profondeur de nombreux textes classiques ou plus récents. Quelques exemples :

    XVIème : la ressemblance entre le VIIIème Sizain du canon et les malédictions des sorcières de Macbeth (1) fait toujours polémique et alimente encore le débat sur l'identité de ces deux grands poètes, Shakespeare et Lartisan.

    XVIIIème : la légende de Dracula (Alucard à l'envers bien sûr), la tradition d'immortalité attribuée aux vampires, sont des réminiscences transparentes du "Snorque" et de la "Demoiselle Snorque".

    XIXème : Sir Arthur Conan Doyle cite plaisamment le Dit en évoquant, dans sa nouvelle "L’Aventure du vampire du Sussex ", la bataille contre les Rats Géants de Sumatra (2) (nb : les plus érudits holmésiens signalent d'ailleurs la présence de Dracula auprès de Sherlock Holmes lorsque celui-ci sauve Londres de l'attaque des Rats Géants (3)).

    XIXème : Jules Verne, dans une lettre célèbre écrite sur le "Saint Michel II" à son frère Paul, cite le Dit comme une inspiration majeure de "Vingt milles lieux sous les mers" et des "Enfants du Capitaine Grant".

    XXème : Apollinaire paraphrase (on hésite à dire "pompe"...) le IXème Sizain dans le "Pont Mirabeau"...(4).  (Soulignons également l'absence de ponctuation dans le recueil "Alcool", à l'imitation du IXème Sizain).

    XXème encore : l'auteure pour enfant Tove Jansson reprend à son compte le Snorque, la Petite Mu et même les personnages secondaires (la Demoiselle Snorque, Fourmilion), dans sa série pour enfants "les Moumines". Sous l'affadissement (le Snorque et la Petite Mu y sont décrits comme de gentils trolls tout mignons !), l'hommage est évident.

    XXème toujours : on retrouve une citation du Ier Sizain dans le best-seller "Les Sentinelles de l'Obscurité", de S. Loukanienko. Celui-ci n'a pas caché avoir élaboré sa trilogie après avoir découvert le Dit.

    XXIème : "Alucard" est le surnom de Sir Adrian Farenheights Tepes dans le jeu vidéo "Castelvania".

    Analyse psychanalytique :

    On rappelle que S. Freud a fait une analyse du Dit dans « Analyse terminée et analyse interminable ». Son approche apparaît aujourd'hui bien caricaturale. D'après lui, la Petite Mu représente la Mère. Le Snorque, en pleine confusion due à une crise d'Oedipe mal assumé, refuserait de dépasser le stade buccal (allégorie de l'allaitement) pour passer à une phase adulte et sexuée normale.

    Comme toujours en psychanalyse, on trouve des points de vue parfaitement contradictoires ; C. Jung par exemple soutenait que la Petite Mu, bien loin de représenter la Mère, était en fait le personnage masculin central. Pour lui, le véritable épisode œdipien – réussi, celui-là - du Dit était la mort du kraken sous l'épée de la sorcière.

    Des avis qui en disent peut-être plus long sur ces bons docteurs que sur le texte lui-même... (Anecdote fameuse de S Freud s'écriant, à la vue d'un portrait attribué à Lartisan : "Il a une tronche à passer dans les pages centrales de Têtu".) Il reste qu'on est très loin des représentations très réalistes, anatomiques, des textes de Rocco. Si la thèse d'un Lxxx publiant sous le pseudo Rocco porte encore à débat, ça n'est à l'évidence pas le cas de Lartisan ! (5)


    (1) Macbeth, acte 1 scène 3 : "Trois fois pour toi, trois pour moi, et encor trois fois qui font neuf fois" ; acte 4 scène 1 :"Foie de blasphémateur juif, fiel de bouc, bile de chèvre, bois d'if" ; également : "Brûle le feu, chaudron bouille" répété plusieurs fois.
    (2) : L’Aventure du vampire du Sussex : " Matilda Briggs n'est pas le nom d'une jeune fille, Watson, dit Holmes d'une voix lointaine. C'est le nom d'un navire dont le destin est associé à celui du Rat Géant de Sumatra. Une histoire à laquelle le monde n'est pas encore préparé."
    (3) Fred Saberhagen, L’Affaire Holmes-Dracula
    (4) Alcool, poème "Le Pont Mirabeau" : "L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente" ; et bien sûr : "Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure"
    (5) Note de l’éditeur : il nous a paru souhaitable de conserver le texte du Cardinal Grégan dans son intégralité, malgré quelques références qui apparaîtront obscures aux personnes peu familières du forum Rxxx.


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