-
Sierra de Bernera 2021
-
Par lartisan le 4 Mai 2021 à 20:20
J'ai laissé la voiture au fond de la vallée d'Aspe, à la centrale électrique d'Estaens vers 15-16 heures et monte au bord du ruisseau d'Espelunguère en longeant la conduite forcée qui exploite les eaux de l'ibón de Estanès.
Je dépasse la cascade d'Espélunguère et le parking où j'avais dormi plusieurs nuits dans ma voiture, il y a quelques années. Passage à l'époque quasi fortuit et coup de foudre pour l'extraordinaire et pourtant méconnue sierra de Bernera. Peu de véhicules cette année. Le confinement n'est levé que depuis 2-3 jours !
Pas mal d'orchidées rouges en bord du chemin, probablement des orchis sureau, précoces.
Dans l'hypothèse d'un retour tardif (le couvre-feu de 19 heures est alors en vigueur), je jette un œil à la cabane d'Espélunguère.
Propre et bien achalandée, ce sera un parfait site de bivouac, si nécessaire, avant de récupérer la voiture.
Je reprends le sentier principal qui monte sans à-coup jusqu'à l'escalé d'Aigue-Torte.
En bord du chemin, une colonne vertébrale, plus loin un crâne, un fémur... C'était déjà comme ça à mon premier passage !
Me voilà passé en Espagne sans même m'en rendre compte. Pas de douane, pas d'attestation, de résultat de test à fournir...
Les crêtes de la sierra de Bernera commencent à se dévoiler. Premiers isards.
Il y en aura d'autres. Des centaines !
Gentianes alpines.
Au puerto de Escalé, on domine la vallée d'Aguas Tuertas, la lente reptation des méandres de l'Aragón Subordán.
Encore des ossements ! Je ne me l'explique pas. A croire qu'on est dans l'arrière cuisine d'un dragon dévoreur de moutons (ou d'isards ?).
Je suis resté en rive droite de l'Aragón Subordán. C'est malin ! Le torrent a grossi, il n'y a plus qu'à déchausser pour passer à gué. Les crêtes, du Pico Alto de la Portaza au Puntal de Secús, sont bien enneigées.
Ce n'est pas pour me déplaire, mais ça risque de me créer quelques difficultés par la suite. Un peu au-dessus de la vallée, c'est la cabane d'Aguas Tuertas, où je vais passer ma première nuit. Données GPS du jour : 7,5 km, +509 m/-165 m.
Un VTTiste arrive à la cabane en même temps que moi, par le chemin carrossable qui remonte de l'autre côté. Il est bavard et curieux ; en sabir spingo-anglais je lui explique mon projet, mes craintes de rencontrer trop de neige vers le Secús. T'inquiète, ça va passer me dit-il.
Il redescend, me laisse tout seul dans la cabane d'Aguas Tuertas. J'y fais mon nid, tranquillement, il y a deux bas-flancs, juste assez larges pour étaler un matelas gonflable. Une petite table et deux chaises en ferraille. J'en tire une dehors pour contempler l'Aragón Subordán.
Les ombres s'allongent peu à peu, tandis qu'une brume s'installe au fond de la vallée d'Aguas Tuertas, sur la sierra de Bernera...
votre commentaire -
Par lartisan le 5 Mai 2021 à 22:20
Avant de rentrer dans le cœur de la sierra de Bernera, faut que je dévale le barranco d'Aguas Tuertas. En face, la sierra de Vedalo est quant à elle dans les nuages.
A gauche toute, remontée brutale dans l’hallucinant barranco del Barcal. Si si tu vas voir.
De ce côté des Pyrénées, les orchis sureau sont jaunes. Cherchez l'erreur, comme dirait Pascal.
La star du barranco del Barcal apparaît...
Le castillo de Achert... Il va squatter pas mal de photos.
Passage à proximité d'une cabane. Close. Elle aurait fait un bon point de chute pour la nuit, pourtant. Castillo d'Achert. (Oui on peut dire les deux : tagad'Arragon ou teugueude Castille.)
Les falaises de calcaire gris du castillo de Achert semble comme posées - plus ou moins de guingois ! - sur le grès rouge. Après la cabane, la vallée mérite son nom de barranco. Le cheminement se faufile avec intelligence entre les ravines creusées dans le grès. Et de minutes en minutes le paysage se fait de plus en plus spectaculaire.
Je déjeune au pied de la peña de Marcantón. Quelques isards me toisent.
Tiens, ça faisait longtemps, le castillo d'Achert à ma droite.
Et la peña de Marcantón à ma gauche. Avec les isards.
L'itinéraire se cale momentanément au bord du torrent del Barcal.
Oui, y a redondance, d'autant qu'il n'y a pas grand chose à dire, je marche, les yeux écarquillés. C'est comme ça : parfois l'aventure est une succession de moments épiques, de confrontations avec la nature (ou sa propre nature !), et parfois c'est la zénitude parfaite, aucun accroc, tout roule.
Encore le castillo de Achert. Mais je ne vais pas censurer ça !
Le sentier est à peine marqué ; il y a de moins en moins de végétation, la progression se fait sur le grès rouge, sans balisage, quelques cairns de loin en loin. La navigation se transforme en un petit exercice cérébral très plaisant.
J'arrive enfin à la collada del Barcal. Instant de vérité.
votre commentaire -
Par lartisan le 5 Mai 2021 à 23:03
J'arrive enfin à la collada del Barcal. Instant de vérité.
La sierra de Bernera, c'est deux alignements de crêtes est-ouest entre la vallée de Hecho et la station de Candanchú. Le projet de base est de traverser l'alignement nord des crêtes de la sierra à ce niveau - juste à l'ouest du Secús. Ensuite, ça donne en principe accès à une brèche au travers de l'alignement sud, et plus bas à des cabanes où je pourrai passer la nuit.
Deux possibilités : rejoindre le Puerto de Achert (à gauche sur la photo ci-dessous) d'où un chemin monte en diagonale dans la pente. Ou monter directement au Puerto de Taxera, à droite.
Dans les deux cas, pente de neige raide en face nord. Ça ne passe pas avec mon matériel. Je m'y attendais cela-dit. Plan B : contourner intégralement la sierra de Bernera par l'ouest. Et d'abord dévaler le barranco Borregueril.
Solution qui comporte quelques aléas : la continuité des chemins dans la selva de Oza, la traversée des vallées de Castillones et Sarrios dans la neige pour revenir au nord, sans exploser mes contraintes de délais. Mais bon, je ne vais quand même pas rebrousser chemin... Va pour le barranco Borregueril.
A main gauche, toute la crête nord-ouest de la sierra de Bernera.
A main droite, évidemment, le castillo de Achert.
Je reste à flanc du castillo de Achert. Des isards, des tas d'isards, des nurseries de mamans, de chevreaux et d'éterlous. J'en compte plus d'une trentaine.
Je tente de les approcher subrepticement en me cachant derrière des ruptures de pente mais ça ne donne pas grand chose en matière de photo. Je n'ai pas le téléobjectif approprié.
Sur les névés d'en face, c'est impressionnant, j'en compte plus de cinquante. 58 points dans la neige. Probablement quelques autres dans les caillasses.
Je reprends la descente dans les pelouses d'alpage. La sierra d'en face est quelque peu froissée. Quelqu'un a du repassage en retard.
D'où je suis maintenant, on voit bien les deux alignements de crêtes de la sierra de Bernera. Le pico Agüerri est à la limite des nuages.
J'approche de la cabane où j'envisage de passer la nuit, le refugio Forestal. La peña Forca à l'arrière-plan, une autre sierra qui mérite probablement aussi un coup d’œil.
Me voilà au refugio Forestal. Un dernier point de vue du castillo de Achert.
Plus photogéniques, vues d'ici, les crêtes de la sierra de Bernera, le pico Agüerri, le barranco Borregueril cramoisi...
Le refugio Forestal ne m'inspire pas. Cube de béton poussiéreux. Et puis j'ai envie d'une clairière romantique dans la forêt, de dormir sous la tente. Et plus prosaïquement de réduire la longue étape de demain. Je reprends le chemin.
Plus bas, vers les 1450 m d'altitude (il ne devrait pas trop faire froid), je discerne des terrains en banquettes au-dessus du sentier. Je monte voir et y découvre la clairière de mes rêves où installer la tente hors de vue du chemin. Données GPS du jour : 11,5 km, +918 m/-1054 m.
Je suis installé à bouquiner à deux pas de mon bivouac depuis une demi-heure quand déboule un chevreuil. Il s'arrête net à 10 mètres de moi, commence à m'aboyer dessus méchamment. Il est très en colère, mais recule quand même prudemment dans les bois avant que j'arme l'appareil photo.
Pendant bien dix minutes il va tourner autour de la clairière en râlant mais comme je ne m'en vais pas il finit par abandonner et me laisse le terrain.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique