(Jour précédent - face ouest)

J'ai bien du mal à me relancer dans la rédaction de cette randonnée, pourtant magnifique mais sans grandes péripéties. Ça m'ennuie de ne balancer que des photos et des commentaires banals, mais il n'y a pas d'épopée passionnante au milieu du wild, pas de traversée de gué héroïque, pas de lutte acharnée contre les éléments furieux.

Et pourtant, le chemin du jour m'emmène hors des sentiers balisés. Je tracerai mon itinéraire au gré de ma fantaisie. La tente pliée, je contourne le lac Bersau.

Voilà mon terrain de jeu du jour : des moutonnements, des crêtes, dans un décor toujours splendide et lumineux, ouvert et paisible, conséquence d'un pastoralisme millénaire (plusieurs fois centenaire en tout cas !).

Et bien entendu, toujours mon Pic du Midi d'Ossau en guise de berger.

C'est le lac Castérau, sous le Pic Castérau, qui scintille au soleil.

2500 brebis, 850 vaches et 400 chevaux se partagent les pâturages d'altitude au-dessus du plateau de Bious. Le pottok, poney de montagne typique de la région, y vit en semi liberté.

Ma route me conduit d'abord vers le col des Moines, d'où je vais rejoindre la crête qui marque la frontière.

Je me préoccupe déjà de la gestion de l'eau (pas de refuge sur le parcours d'aujourd'hui). Je prends le temps de ramasser et manger le plus possible de myrtilles.

Je découvre que, côté espagnol, le territoire est occupé par une station de ski, Candanchù, au pied du col du Somport.

Face sud du Pic du Midi d'Ossau.

La photo ci-dessous montre tout le chemin de crête vers le Pourtalet, par les Pics d'Astu, de Canarouye et d'Anéou.

La crête n'est pas si compliquée à arpenter, tout au plus faut-il un moment mettre les mains et redescendre sur le flanc français pour éviter un ressaut sous le Pic d'Astu.

Régulièrement, des vautours passent au-dessus de moi en planant.

Je constate qu'ils se rassemblent en troupeau côté espagnol : festin de charognards. S'agit-il d'un nourrissage ou ont-ils trouvé un cadavre, je ne sais pas.

Me voilà au sommet du Pic d'Astu. Illustration de l'aménagement côté espagnol : l'ibon de Astùn, peut-être lac naturel à l'origine, mais aussi réserve d'eau pour les canons à neige, aujourd'hui. En arrière plan, la Sierra de Berrnera.

La suite de l'itinéraire... Free style ! Je n'ai rien décidé, ni par où passer, ni où bivouaquer. Ça sera selon l'inspiration du moment.

(suite de l'article)

(Début de l'article)

Difficile, a posteriori, de retrouver d'où mes photos du Pic du Midi d'Ossau ont été prises. Celle-ci du Pic d'Astu, je crois.

J'ai ensuite repris mon cheminement de crête vers le col d'Astu (petite descente facile), puis remonté sur les contreforts du Pic de Canaourouye pour un tour d'horizon.

Panorama du domaine skiable d'Astun, côté espagnol, au sud-ouest.

Vers l'est, les montagnes calcaires d'Ordesa.

Au nord, quatrième grand panorama du Pic diu Midi d'Ossau, depuis l'épaule du Pic de Canaourouye.

 Gros plan du Pic du Midi d'Ossau.

Un chti selfie, une fois n'est pas coutume.

A partir de là, je quitte la crête, dans l'idée de rejoindre le cirque d'Anéou via le plaa de la Gradillère. Pas de chemin balisé, mais par ce beau temps, pas moyen de se perdre !

Au fur et à mesure de ma rotation, la face sud du Pic du Midi d'Ossau change lentement de physionomie. Ses différents sommets commencent à s'individualiser.

Sous le soleil, il fait soif. Pas loin du Pic de la Gradillère, un filet d'eau sourd au fond d'un ravin. Tellement peu qu'il est impossible de le récolter avec mes bouteilles. Sur un petit ressaut, une partie de l'eau emprunte une plante pendante et forme un goutte-à-goutte. J'installe ma bouteille dessous, puis m'ingénie, en déplaçant quelques cailloux, à favoriser le débit qui s'y dirige. Il est 13h30 passé, le soleil est au zénith. Je me pose dans un petit coin d'ombre et bouquine tranquillement pendant que ma bouteille se remplit lentement.

Une bonne demi-heure après, mon coin d'ombre s'est rétréci, mais j'ai gagné 1/2 litre. Je reprends la route et découvre le cirque d'Anéou.

Autant voire plus de pastoralisme côté Anéou que côté Bious. Je contourne précautionneusement un troupeau de brebis sans effaroucher le patou.

Le Pic du Midi d'Ossau reparaît. D'ici, il est carrément devenu bifide.

Beaucoup de pottokak (c'est apparemment le pluriel de pottok) et de vaches dans le cirque d'Anéou. (On me dit que le pottok est basque, et non béarnais. Bon, autant pour moi...)

L'herbe est rasée, la pelouse envahie de bouses et crottins à différents stades de désagrégation. Autant dire que ce n'est pas l'enchantement espéré.

Alors je choisis de traverser rapidement et de remonter sur le flanc nord du cirque d'Anéou, sans trop savoir si je vais rejoindre le Col de Soum de Pombie, à l'est, ou le lac de Peyreget, à l'ouest, pour mon bivouac.

Dès que j'ai repris un peu de hauteur, le plaisir revient. En vérité, ce cirque d'Anéou déroule un paysage bien sympathique.

Pendant un bon moment, je remonte vers le col de l'Iou. Contournement à marche forcé d'un nouveau troupeau de brebis sans alerter le patou. Et puis je me dis qu'il risque d'y avoir d'autres randonneurs bivouaquant autour du lac de Peyreget, sans parler des troupeaux, alors que je préférerais me trouver un coin à moi. Changement d'avis : je bifurque vers l'est à hauteur du col des Arazures et dégote un coin de prairie plat et relativement propre.

Parfait pour ce soir. J'attends la fin de journée tranquillement assis sur un rocher, tandis que les nuages montent peu à peu depuis la vallée.

A 19h, plantage de la tente.

Dîner lyo ; et peu de temps après, les nuages débordent depuis le col d'Anéou. Très rapidement je me retrouve en plein brouillard.

Je m'installe dans la tente - la température a vite chuté - et continue à bouquiner en attendant que la pénombre m'en empêche. Voyage au bout de la nuit. C'est censé être un grand chef d’œuvre ; je n'ai pas le déclic. Enfin il faut l'avoir lu... Dans le genre expression de la frustration, préférer les Carnets du sous-sol, de Dostoïevski. Incroyables. Ou comment se sentir mortifié par le simple fait que 2+2 fasse 4. Et si je veux, moi, que 2+2 fasse 5, là, maintenant, tout de suite.

Bruits de clarines... Je sors la tête : quelques vaches surgissent dans la brume. Pourvu qu'elles ne s'arrêtent pas ! Et pourvu qu'elles ne se prennent pas les pattes dans les fils de la tente.

Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite, Marguerite, si tu veux faire mon bonheur, Marguerite, va voir... ailleurs !

Une heure plus tard, j'aimerais dormir, mais les bestioles sont toujours là. Je sors évaluer la situation à la frontale. Elles sont une dizaine. Certaines sont couchées, d'autres broutent encore, tout autour de moi. Je tente de les effaroucher en agitant un bâton de marche. Aucun succès. Pour une qui s'enfuit et deux qui s'écartent sur quelques mètres, il y en a autant qui restent apathiques, sans parler de celle, un peu plus vindicative, qui a plus ou moins l'air de me défier. Manquerait plus qu'elle charge la tente... Je me résigne.

Boules quiès. Mais ça n'étouffe pas le bruit. Argh ! Ça va pas le faire !

(Jour suivant - face est)

(jour précédent - face sud)

Je me suis peut-être assoupi quelques minutes, mais maintenant il est plus d'une heure du matin et il m'est vraiment impossible de dormir. Et que ça mâchouille son chewing-gum à la chlorophylle, en agitant la tête, ding, dong... Et zut... Je me rhabille. Avec la frontale, je rassemble mes affaires et démonte la tente. Les vaches m'observent d'un œil goguenard en continuant de ruminer bruyamment. Sales garces.

Au clair de lune, le chemin de pierres blanches est assez facile à suivre. Seule lumière, en bas dans la vallée, la douane du col du Pourtalet est éclairée. Il n'est pas facile d'estimer la platitude des prairies autour de moi, pas plus que leur propreté, pour se dégoter un nouveau coin de bivouac. Je me traîne jusqu'au col de Soum de Pombie. Je me décale un peu du chemin vers l'ouest, monte la tente et me recouche.

Réveil avec le soleil qui chauffe la tente, et je découvre le paysage, la face est du Pic du Midi d'Ossau qui s'éclaire peu à peu.

Le cirque d'Anéou est encore dans l'ombre.

Je pousse jusqu'au Soum de Pombie pour quelques clichés.

Cinquième grand panorama : Pic du Midi d'Ossau depuis le Soum de Pombie.

Retour à la tente et je remballe ; je prendrai le petit déjeuner au refuge. Celui-ci n'est pas très loin, installé au bord du lac de Pombie.

Ce refuge est le point de départ de la voie normale du Pic de Midi d'Ossau. Alpinistes et randonneurs, il y a du monde au refuge. Le service du petit déjeuner vient de finir. Je rentre pour jeter un coup d’œil à l'intérieur et me fait rembarrer par les gardiens qui ont commencé à nettoyer. Pas sympathiques du tout. Je ne like pas...

Bah, je suis juste venu faire de l'eau. Je réhydrate une mousse au chocolat lyo et me prépare un bon thé au pied du refuge de Pombie.

Il faut traverser un pierrier un peu pénible, la Grande Raillère, et on se retrouve au pied de la paroi est. Il y a quelques alpinistes sur ces voies difficiles. Au niveau des dalles sous la rayure noire horizontale, dans la photo ci-dessous.

Iris de Pyrénées et Pic du Midi d'Ossau...

La vallée d'Ossau, et plus loin la plaine de Pau sont dans les nuages.

Au col de Suzon, je quitte le chemin pour remonter le plus haut possible sous le Pic Saoubiste. Panorama : la mer de nuage dans la vallée d'Ossau.

Et le Pic du Midi d'Ossau, la voie normale : on remonte le chemin de terre, puis trois cheminées et enfin le pierrier sommital. Assez facile paraît-il, à mi chemin entre rando et alpinisme. C'est la descente qui est impressionnante : s'assurer ou s'aider d'une corde de rappel est préférable.

Retour au col de Suzon et je reprends ma route vers le nord.

Je reprends un peu de distance avec le Pic du Midi d'Ossau.

Il y a un dernier belvédère à ne pas manquer : le Pic Chérue...

(suite de l'article)