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La vallée de Chamonix se prête mal aux randos raquettes : pentes trop raides, trop avalancheuses... Il y a quand même moyen ! Celle-ci est ma préférée. Elle ne fait pas exception au risque avalanche. Il est impératif de surveiller le bulletin d'enneigement. Et s'il y a le moindre risque, bien entendu, de ne pas se lancer seul et/ou sans équipement de sécurité.
Ce jour-là, on est en niveau 1 et les pentes vont rester à l'ombre quasiment en permanence.
Départ du parking du Buet, à l'accueil des pistes de ski de la Poya.
Je m'écarte des pistes et déjà, c'est grandiose, un paysage de carte postale suisse : les chalets de la Poya devant l'Aiguille de Loriaz.
Je monte le long du torrent, l'Eau de Bérard.
Peu après le chalet de la Cascade de Bérard (fermé, évidemment en cette saison), il y a un court passage un peu coton. Bêtement je n'ai pas pris de photo.
Sur deux mètres, le chemin se resserre entre une cascade de glace, à gauche et le torrent en contre-bas, à droite. La masse de glace "dégouline " sur le chemin, le transformant en une patinoire en dévers.
A mon arrivée, un groupe de raquetteurs accompagnés traverse, un par un, avec beaucoup d'appréhension. Leur guide les rassure comme il peut.
C'est mon tour. En fait, les pointes sous les raquettes, plus les bâtons de marche, assurent suffisamment d'accroche. Aucun souci ! Mais en simples chaussures de marche, je ne le tenterais pas !
Je double le groupe qui se remet de ses émotions. Je ne les reverrai pas. Le chemin se dirige droit vers le Mont Oreb.
Après 1 ou 2 km sous les épicéas, le paysage s'ouvre sur la vallée. Traversée de l'Eau de Bérard...
Après avoir arpenté le fond de vallée (aux alentours des 1700-1750 m d'altitude), ça commence à grimper un peu. Je reste sur la gauche (rive droite, donc), pour rejoindre le rocher sous lequel se cache le refuge de la Pierre à Bérard, cote 1924, enfoui sous la neige.
Le fond de vallée, vu de la Pierre à Bérard.
Les Aiguilles de Mesure et de Morris, à gauche du col de l'Encrenaz.
Le refuge de la Pierre à Bérard était mon premier objectif. La suite dépendait de l'état de la neige, car vers le col de Bérard, la pente est raide ! Si la neige est trop gelée, les raquettes ne vont pas accrocher.
Je déjeune rapidement d'un sachet de chips et me lance dans la montée. Je suis maintenant au soleil, mais les pentes au-dessus de moi sont à l'ombre et - au moins ce jour-là - sans danger.
Sur la droite, c'est le col de Bérard. Sur la gauche, c'est le débouché du glacier de Bérard et du glacier du Mort, sous la pointe Alphonse Favre. Tristement, c'est là-haut que s'est tué, emporté par une avalanche et brisé sur des rochers, il y a un an, Docteur Vertical.
Et non, andouille, ce n'est pas un héros Marvel. Mais pour moi c'est un héros quand même. A ce lien un très bel article de Paris-Match, pour découvrir qui était Emmanuel Cauchy, Docteur Vertical.
Un premier passage raide. J'avance très lentement, le souffle est court.
Sur la droite, les pentes de neige qui remontent vers l'Aiguille de Salenton et le Buet. Certainement une autre belle balade, mais côté soleil et plus costaud : à réserver au ski de rando.
Un court plateau pour reprendre son souffle...
Sur les derniers mètres, la pente s'accentue encore. Les raquettes accrochent, mais c'est limite ! Arrivent les premiers skieurs depuis la Flégère.
Et me voilà au col de Bérard.
Le col de Bérard est à la cote 2460. Depuis les 1340 du village du Buet, là en bas, ça fait quand même plus de 1100 m. Une belle dénivellation pour une course en raquettes !
De l'autre côté du col de Bérard, les Fiz et la vallée de la Diosaz.
Et la trace des skieurs, qui remonte la combe d'Envers de Bérard.
Je redescends, à moitié en marchant, à moitié en glissades contrôlées, en restant plus à droite qu'à la montée, moins directement dans la pente.
Le Buet, le "Mont Blanc des Dames", qu'il faut que je mette sur ma to-do-list (pas fait depuis bien dix ans). Peut-être l'été prochain.
Nb : ce surnom de Mont-Blanc des Dames n'est apparemment pas, comme on le croit, une expression misogyne ; elle a pour origine la première ascension féminine par deux touristes anglaises, en 1786, soit le même été que l’ascension du vrai Mont-Blanc par Balmat et Paccard.
(Sommaire articles Mont-Blanc)
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Alors... Je passe rapidement sur la galère habituelle.
Le sac qui sort prem's sur le tapis de l'aéroport d'Ajaccio, mais à quoi bon puisqu'il faut attendre plus d'une heure la navette pour la ville. Bah oui faut pas concurrencer les compagnies de taxis locales.
La saucée à l'arrivée, en avant-goût du temps exécrable que me promet la météo pour toute la semaine à venir. Je sèche lentement dans le petit train de la ligne Ajaccio - Bastia.
La chasse dans tout Corte sous le crachin.
Et donc cette information essentielle que je t'apporte dès ce début de compte-rendu - et pour laquelle j'attends remerciements et reconnaissance à jamais : le spot s'appelle Omnisport et c'est cours Paoli. C'est là, et seulement là, dans ce petit magasin surnommé "Le Camp de Base", que tu trouveras une bouteille de gaz au format universel.
Mais comme tout le monde, tu patienteras jusqu'à 15 heures, l'ouverture du magasin... La sieste c'est sacré.
Et donc il est déjà 15h30 quand je prends le chemin des gorges du Tavignano.
Sans regret je laisse derrière moi la citadelle de Corte, cette ville que j'aurai sillonnée dans un sentiment d'urgence hargneuse, en parfait déphasage avec le tempérament corse, et qui méritait mieux.
Et d'ailleurs merci à la gentille cortenaise qui m'a signalé l'Omnisport, et qui a pris la peine de me guider au travers d'une labyrinthique traversée d'immeubles menant à la passerelle sur le Tavignano.
Ce même Tavignano que je vais maintenant remonter, j'espère, jusqu'à sa source.
"La première chose qu'on remarque, c'est l'odeur". Et oui, c'est vrai ! La pluie s'est arrêtée et la végétation en fleurs, vers les 600 m d'altitude, génère un incroyable fumet d'herbes provençales, expérience tout à fait nouvelle pour moi.
Peu de temps après avoir quitté Corte, je croise deux touristes en baskets et ensuite la montagne est toute à moi. De part et d'autre du Tavignano, elle s'érige en tours de guets et colonnes de granit.
Parmi les différentes essences d'épineux, ce pin dont l'écorce forme comme un kaléidoscope d'oranges et bruns abstraits.
Quelques spots de baignade - le ruisseau d'Antia -, mais ça n'est pas la saison !
Les gorges du Tavignano se creusent peu à peu.
Le chemin s'est élevé pour passer les ressauts et les étroitures sous le Brusco.
Au travers la roche tourmentée, le chemin parfaitement tracé est sans difficultés, mais la longue journée stressante pèse plus encore que le sac, et j'avance - littéralement - à deux à l'heure dès que ça monte un peu.
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Les gorges du Tavignano, toujours...
Pas un chat... Il y a du crottin frais sur le sentier, ce qui me fait supposer qu'un mulet ou un âne est passé quelques heures avant moi, mais sinon rien. Juste quelques chèvres entraperçues dans les hauteurs.
J'arrive au pont sous le Brusco. Le chemin continue en rive droite.
Le sentier quitte momentanément le Tavignano et remonte dans les bois du Castagnolu. Sous la voute des pins, dans l'humidité qui remonte des mousses et des fougères, avec l'obscurité qui approche, l'atmosphère se densifie. Je suis bien loin de Brocéliande et pourtant...
Le refuge de la Sega est encore à une heure, mais je n'ai plus très envie d'y arriver. La forêt me fascine. Sous le ruisseau du Castagnolu, une sorte de terrasse providentielle. D'évidence il faut que je m'arrête là ce soir... Peu probable, vu l'heure et la météo, qu'un garde forestier vienne me reprocher ce bivouac sauvage.
Vite, je monte la tente, je sens qu'il va se passer quelque chose.
Épiphanie d'une journée si mal commencée...
Remontant lentement du ruisseau, s'approchant tranquillement de moi, une créature hors du temps, une salamandre de Corse...
Elle rentre à sa maison, une souche à deux mètres de ma tente.
Je suis absolument subjugué par la bête. Je prends photo sur photo, en gros plan, oubliant malheureusement de passer en mode macro.
L'esprit du feu, selon Paracelse, l'alter ego des ondines, des gnomes et des sylphes, esprits tutélaires des trois autres éléments - l'eau, la terre et le vent.
Je m'endors sur cette expérience onirique qui n'est pourtant pas mon genre ! La "communion avec la nature", Gaïa, tout ça, d'habitude ça ne me parle pas...
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