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Par lartisan le 29 Juillet 2018 à 23:02
Le deuxième, le lac "cote 1360", est un grand lac au pied du Matskornipen, derrière lequel se cache la calotte du Hardangerjøkulen. Par la puissante ambiance qui s'y dégage, il mériterait bien un nom, si possible le nom d'un dieu. Le genre de dieu glacial, hautain, un dieu nordique évidemment, un Jötunn ou un Ase.
On sent qu'on est à la limite de la vie, qu'on n'est que toléré, et encore, qu'il ne faut pas s'attarder. Un névé bloque le chemin, qui longe le lac. Trop raide, trop glacé. Il faut monter sur une cinquantaine de mètres pour une traversée moins casse-gueule.
Ensuite redescendre au bord du lac. Se faufiler entre les eaux et la falaise. Enfin remonter vers le col de Helvetesgjela, à l’altitude de 1420 m, pour quitter cette hostilité oppressante.
L'autre côté du col est encore un paysage étrange. Un plateau calé à 1400 m d'altitude, succession de névés (faciles) et de zones rocheuses grisâtres à la végétation rare et rase à la fois.
Le Midnutevatnet.
Le royaume des lichens... Nouveau gué, mais sans courant.
Un trailer me croise - je n'avais vu personne depuis le couple de ce matin, qui m'a redoublé et semé pendant mon moment de hors-piste. C'est que je me rapproche d'un spot mythique de la rando norvégienne : Finse.
Finse qui apparaît tout au fond de la vallée, au bord de son lac - le Finsevatnet, comme il se doit. Derrière, c'est le massif du Hallingskarvet, terrain d'aventure des prochains jours.
Redescendu sous les 1300 m, on revient à la vie ! Les escarpements bloquent les glaces du Hardangerjøkulen. Elles s'échappent encore, au nord du Søre Kongsnuten, dans une vallée glaciaire appelée Blåisen.
Plus loin, apparaissent les glaces de la vallée Middalen, voie d'accès au sommet du Hardangerjøkulen.
Lente descente vers Finse, avec la traversée du violent torrent Styggelvene, pourvu d'un pont, heureusement !
Finse n'est plus très loin.
Le camping n'est autorisé qu'au sud du lac. Il y a déjà une demi-douzaine de tentes. Je trouve, pour la mienne, un chouette emplacement à deux pas de l'eau. Avec accès privatif au Finsevatnet !
Baignade très revigorante dans le Finsevatnet. Très fraîche ! La plus fraîche du trek. Je perds vite pied, peux facilement enchaîner quelques mouvements de crawl. J'imagine de nager jusqu'à l'île, mais retrouve vite la lucidité de ne pas le tenter ! Je serais en hypothermie avant de revenir au rivage.
Pendant que je prépare la popote du soir, une jolie parhélie apparaît dans le ciel, une dizaine de minutes.
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Par lartisan le 30 Juillet 2018 à 22:35
Finse, déserte au petit matin... La deuxième étape de haute montagne de mon trek commence dans la grisaille. Je suis pessimiste pour la météo d'aujourd'hui, alors je suis parti de bonne heure, avant la pluie.
Étrange petite ville, accessible seulement par le train, construite en 1908 autour de la gare - comme dans un western. Les trains sortent d'un tunnel, s'arrêtent, lâchent un joueur d'harmonica, pardon, quelques touristes, randonneurs, VTTistes, skieurs en hiver, repartent par un tunnel...
La gare de Finse est, à cette heure matinale, aussi vide que le village.
Le glacier est malheureusement dans les nuages, on ne voit que la base de Middalen. Très crevassée. Ça me conforte dans l'idée que je n'aurais pas pu traverser - tout seul et avec des crampons légers - le dôme du Hardangerjøkulen.
Aujourd'hui et demain je traverse le massif du Hallingskarvet. Il est réputé riche en hardes de rennes sauvages. Ça serait bien d'en apercevoir ! Peu probable mais quand même plus que d'apercevoir un wolverine...
Le wolverine, en bon français le glouton (ou encore le carcajou), est le plus mystérieux des carnivores européens. Qui connait cette bête ? Une sorte d'énorme blaireau, de la taille d'un petit ours, vorace et farouche ; il me fascine. Il est là, le vois-tu ?
Traversée de la Finseelvi. Et toujours pas de vue sur le nord du Hardangerjøkulen...
Bruine, nuages bas, vent froid. J'avance lentement, engoncé sous ma veste, ma capuche, ma capote.
Et puis j'entre dans le brouillard...
Ambiance... La vue noyée par la brume, le son brouillé par le vent et la capuche, on se sent isolé, angoissé : engagé. Je ne sais pas si on peut traduire en mots ce ressenti, comme on est vivant...
J'entrevois à peine la cabane de Klemsbu.
Quelques névés ou lambeaux de glaciers, on ne sait plus. Point culminant du trek, ce lac "cote 1626", et son iceberg.
Mon seul renne, hélas... Un bois trouvé au bord du chemin, que je plante comme un trophée au-dessus du Omnsvatnet.
Au Omnsvatnet, je suis redescendu vers 1300 m, il y a un peu plus de luminosité et la pluie est maintenant discontinue.
Enchevêtrement de lacs (cote 1221) où j'envisage de planter la tente. Mais comme je suis parti de bonne heure, et que j'ai tracé sous la pluie, il est encore tôt.
Bah, vu le temps, continuer n'a pas grand intérêt. Je dépasse la hytten locale, la Geiterygghytta et pose la tente quelques hectomètres plus loin, entre deux cascades, au bord de la Stemmerdøla (qui plus bas deviendra l'Aurlandselvi). Mais il fait trop froid pour une baignade.
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Par lartisan le 31 Juillet 2018 à 21:15
J'avais deux projets potentiels pour cette étape : un tour jusqu'au Langavatnet, au cœur du Hallingskarvet, où j'espérais trouver des rennes, ou gravir le Bolhovd. Mais il fait gris et bruineux.
Les premiers kilomètres, je descends la Stemmerdøla.
Puis la route s'élève, et à l'embranchement vers l'intérieur du massif, la météo ne s'améliore décidément pas. Je continue à flanc de vallée, comme les autres randonneurs du train de Finse, venus descendre l'Aurlandsdalen. Hier, le temps hostile me gonflait le cœur, aujourd’hui le temps médiocre m’ennuie profondément.
Quant au Bolhovd, à quoi bon ? Circulez y a rien à voir.
Étape morose, comme tu vois. Je l'occupe comme je peux, en m'amusant à composer un petit poème grivois, bête et méchant... Ça donne ça - juste les deux premiers couplets, c'est affligeant... :
Hey gourgandine,
Ton cul maousse
Qui se trémousse
Et se dandine,
A ses humeurs.Tous les fidèles,
Les supporters,
Dans les vestiaires
Du FCL
Ont eu leur heure...La suite se passe pendant la coupe du Monde ; je crois qu'on peut s'en passer :D.
Ou encore je comptabilise les chansons et musiques qui me passent par la tête pendant que je marche. C'est toujours un peu les mêmes, des thèmes qui rythment les pas, que je me surprends parfois à marmonner pendant des heures. La Paloma - celle-là parce que je viens de lire Mortelle randonnée, de Marc Behm.
Je manque d'eau. Comme il y a quelques moutons, j'hésite à me servir aux torrents. J'en remonte un sur trois cents mètres, histoire de me rassurer. C'est un peu psychologique. Aussi bien, il y a peut-être autant de moutons plus haut. Bon, j'y remplis mes bouteilles quand même.
Je dépasse la hytten, Steinbergdalshytta, continue sur un kilomètre : ce sera toujours ça de moins pour la longue étape de demain. Je trouve une petite pelouse plate qui surplombe la vallée.
Avec eau courante à proximité. J'aurais pu m'éviter le détour de tout à l'heure ! Il se met à pleuvoir franchement dès que j'ai fini de monter le bivouac. Vent violent, j'arrime au maximum.
Dans la soirée ça vire à l'orage. Le tonnerre résonne dans la vallée, c'est toujours impressionnant. Bah, qu'y faire ?
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